samedi 25 juin 2016

Good save The Queen


Good save The Queen

Le vote de la Grande-Bretagne pour la sortie de l’UE obtenu par 52% des votants contre 48% de oui, avec 72,2% d’électeurs (un record pour tous les votes au suffrage universel dans ce pays y compris lors des législatives), résonne comme un énorme coup de tonnerre dans le ciel Européen. Les commentaires ici et là révèlent aussi un phénomène essentiel mais longtemps caché tant par les médias et les intellectuels pro-UE et pro-Remain, la fin de la pertinence du clivage droite/gauche dans la politique européenne puisque aussi bien des hommes de gauche et des hommes de droite soutiennent le maintien dans l’Union ou le retrait de l’Union. L’implosion de cette vieille dichotomie historique, fondatrice de l’Europe moderne depuis la Révolution française, avait déjà été remarquée lors du référendum français sur la constitution européenne dite de Maaestrisht, où le non l’avait emporté avec presque 55% des votants, mais où la dictature sarkoziste qui suivit avait nié ce résultat, et, avec la complicité à l’époque des communistes et d’une partie de la gauche du PS (Mélenchon), avait laissé passer le Traité de Lisbonne sans mot dire, sans en appeler à la grève généralisée pour contrer ce déni de démocratie.
Aujourd’hui on a le même phénomène en Grande-Bretagne, ainsi que dans toute l’Europe. Une partie du Labour bien mis en avant par les médias main stream anglais et du continent était pour le maintien, une autre non négligeable, mais plus censurée, était pour la sortie ; une partie des conservateurs et une partie du gouvernement de monsieur Cameron, était pour le maintien avec le soutien de la City, des banques, des grands financiers, des grandes entreprises multinationales et des USA… et une autre pour la sortie. Simultanément le référendum a fait ressortir en Europe un nouveau phénomène, le retour ou l’espérance du retour à une certaine souveraineté nationale. Ce que des économistes de gauche français comme Sapir ou Lordon ou italiens de Rifondazzione appellent de leurs vœux depuis déjà plusieurs années en montrant les énormes dysfonctions de cette énorme machine bureaucratique et financière. Dans les faits la machine européenne voulu par les États-Unis pour imposer plus encore en Europe leurs diktats économiques, après l’euphorie économique des premières années de l’euro, a été incapable de maîtriser la crise US des subprimes de 2008 qui a pris au piège l’Europe par l’intermédiaire d’une finance globalisée. Et, de surcroît, la politique de la BCE et celle de la Commission de Bruxelles en ont renforcé les effets avec ses politiques d’austérité qui engendrent une augmentation drastique de la pauvreté : les exemples grecs, espagnols et portugais le prouvent abondamment. Pendant ce temps les bénéfices des banques et les salaires des grands patrons augmentaient parfois de 50%.
Pour le moment, en dehors des vautours de la spéculation comme Soros, les divers fonds de placement US et Moyen-Orientaux (Arabie Saoudite, Qatar, Barhein, etc.), les banques anglaises ou étrangères qui semblent faire d’énormes bénéfices en jouant sur la chute drastique de la bourse de Londres, on ne peut strictement rien dire des modalités de ce divorce, de la manière dont la séparation va se faire et des effets tant en Grande-Bretagne que sur la machine UE elle-même. En revanche, puisque j’écris depuis Bucarest, il est très révélateur de noter les réactions d’une majorité d’intellectuels : tant nombre d’intellectuels de droite que de gauche ont développé les arguments de leurs patrons de droite et de gauche occidentaux leur ont fourni clef en main et qui sont, de fait, à peu près les mêmes. Ce sont les imbéciles analphabètes, les pauvres sans études supérieures qui sont tombés dans le piège populistes que quelques politiciens démagogues leur ont tendu. Une fois encore on nous livre ici la version du mauvais peuple soumis à des élites démagogues… Ce qui veut dire qu’on nous livre la énième version, présentement éventée, du slogan : le peuple est mauvais, il faut changer le peuple, voire lui interdire de voter. Voilà qui me fait penser aux diverses versions staliniennes de pouvoirs incapables de comprendre les demandes légitimes du peuple. En effet la commission de l’UE se comporte de manière proche de celle du Comité centrale du Parti communiste de l’Union soviétique comme l’a remarqué l’ancien dissident soviétique Bukowsky. Et pourtant, le peuple a de justes raisons de ne plus accepter cette Union qui le paupérise de manière absolue et qui confisque le pouvoir de décision entre les mains d’une bureaucratie non élue qui n’a de compte à rendre qu’à ses maîtres.
Je ne suis point conservateur ni proche du Labour dans version crapuleuse blairiste, mais je ne peux qu’admirer dans un premier temps le discours du Premier Ministre Cameron qui en annonçant sa démission a fait savoir à son successeur qu’il lui faudra dans les négociations qu’il entamera avec la commission de Bruxelles, ne jamais oublier la volonté que le peuple a fait connaître au travers de son vote. Si la démocratie est le résultat de la volonté générale, il convient de remarquer que c’est un conservateur anglais qui l’applique sans état d’âme, alors que les Français, les Italiens, les Espagnols et les Allemands continuent d’imposer une politique de plus en plus impopulaire, préparant non pas des votes, mais des révoltes. Certes la lutte des classes demeure en Grande-Bretagne et ce vote est bien loin de l’annihiler, il s’empêche, avec le discours de Monsieur Cameron, la lutte de classes se présente avec une certaine classe.
Claude Karnoouh
Bucarest le 25 juin 2016

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