dimanche 27 janvier 2013

De l’espace public en Roumanie ou comment parler de rien


De l’espace public en Roumanie ou comment parler de rien


Disons le d’emblée, il est toujours malaisé, ardu, voire pénible, de parler ou d’écrire sérieusement (je ne suis ni romancier, ni homme de théâtre) à propos de quelque chose qui n’existe pas. Non que les chantres de l’antienne démocratique en Roumanie (une énorme partie des élites ou de ceux qui se prétendent y appartenir) n’affirment pas journellement la présence dans un avenir immédiat de l’espace publique. Dussent-ils reconnaître qu’il est difficilement saisissable aujourd’hui, il n’empêche, ces bons prophètes le voient se profiler à l’horizon de leurs espérances ou de leur hypocrisie. C’est la raison qui les entraîne à critiquer très sévèrement les comportements et les mœurs de leur société, de leur peuple, comme si eux-mêmes, par je ne sais quel miracle de la foi, par quel effet d’une grâce inamissible, n’agissaient jamais selon des mœurs semblables, lesquelles ne sont rien moins que les traits culturels propres à ce peuple. Ces « élus » autoproclamés de la société civile seraient-ils des saints, des renonçants pour pouvoir ainsi s’offrir en modèle au mauvais peuple ? Rappelant un mot Brecht à l’encontre des apparatchiks de feu la RDA, on pourrait leur répondre avec une pointe d’humour : « Si le peuple est mauvais camarade, changeons le peuple ! ». Certes nombre d’entre eux seraient prêts à le proclamer si la parole n’était venue d’un artiste communiste. Toutefois, si ces parangons de l’éthique se sentaient tant étrangers parmi ce « peuple mauvais et corrompu », ils s’échapperaient et partiraient. En d’autres temps, et sous un autre régime politique, d’autres le firent. S’ils ne le font point, c’est qu’ils trouvent des avantages certains à cet état de la chose publique.
De fait, à l’épreuve des jours et d’un solide bon sens, aucune analyse logico-conceptuelle sérieuse, aucune approche herméneutique subtile, aucune enquête de sociologie quantitative ou qualitative, ne laisse entrevoir, dans un avenir prévisible, l’espace public roumain comme une possibilité en voie d’accomplissement en tant qu’être-là-dans-le-monde-ainsi et non autrement… C’est une constatation à peu près générale pour tout observateur dénué d’arrière-pensées (y compris de manière contradictoire et paradoxale dans les discussions privées, parmi les « démocrates » qui en annoncent la présence !). Il suffit d’écouter de très nombreux citoyens appartenant à divers milieux socioprofessionnels, à divers groupes socioculturels et linguistiques pour se convaincre qu’en Roumanie, l’un des traits essentiels propre à la modernité, l’espace public, un espace réel et symbolique, qui appartient simultanément à tous et à personne, est le grand absent de la vie politique, professionnelle et sociale. Et, malheureusement, une absence sans espoir prévisible de présence. Beaucoup s’en plaignent, aucun n’agit, preuve nouvelle, s’il en fallait encore, que la notion, fût-elle connue intuitivement des uns, théoriquement des autres, relève d’un discours qui se tiendrait sur le sexe des anges argumenté par des athées… Il s’agit là d’un débat de pure rhétorique produit dans le champ clôt et schizoïde de certains cours et séminaires universitaires, lors de colloques insipides organisés par des ONG où les cocktails et les repas festifs sont plus importants que les débats, pendant des universités d’été où de prétendus séminaires ressemblent plus au farniente hédonisto-érotiques des vacances qu’à la mise en œuvre de la patience du concept. Et, quand le débat réussit à avoir lieu quelque peu, il s’agit toujours d’un discours déplorant l’absence presque totale de l’espace publique, alors que c’est précisément l’absence en-soi et pour soi, qui est le sujet-objet dont il faudrait parler… Non pas geindre et se lamenter sur ce qui n’advient point, mais argumenter sur le pourquoi et le comment de l’absence, en bref, sur l’absence en tant que sa présence.
En effet, dans un pays où la culture politique et sociale des relations institutionnelles et humaines se subsume avec le proverbe suivant, « Qu’elle meure la chèvre de mon voisin ! », il n’est pas surprenant de constater que la moindre loi se présente toujours dans un contexte d’extrême relativité. En fait, comme les contraventions pour excès de vitesse, tout écart à la loi, ou toute exigence du respect de la loi en Roumanie, se tient dans le domaine du négociable, du marchandage permanent et du passe-droit. L’État de droit qui garantit l’autonomie et la protection de l’espace public, serait-ce un modèle idéal jamais réalisé nulle part au monde, ressortit ici à une praxis nominaliste où les mots qui désignent ne possèdent aucune résonance dès lors qu’il s’agit des praxis sociopolitiques et socio-économiques des institutions et des individus. Cela aurait dû entraîner, non seulement de sérieux débats, mais, plus encore, la mise en place d’actions visant à obtenir des résultats, y compris par la contrainte, afin d’imposer un minimum de respect des lois… Or, à l’épreuve des jours, les beaux discours des élites ne manifestent que des vœux pieux, autant de hochets que l’on présente et agite lorsque les envoyés de l’UE et les diplomates occidentaux parcourent les institutions ad hoc du pays. Dans l’expérience des gens normaux, d’aucuns constatent que rien ne vient transformer les mœurs quotidiennes institutionnelles, administratives, industrielles et commerciales. Un tel diagnostique aurait dû, de longue date, mobiliser la curiosité des fonctionnaires bruxellois chargés de l’intégration européenne. Mais ils s’en sont gardés dès lors que la libre circulation des capitaux, d’une main-d'œuvre à bon marchée pour les délocalisations et le rapatriement rapide des plus-values peu imposées étaient garantis… De ce point de vue il ne faut pas jeter la pierre aux seuls Roumains, les Occidentaux sont tout aussi responsables de cette déréliction qu’ils n’ont certes pas créée, mais qu’ils ont tolérée parce qu’elle permettait d’installer sans mots dire un capitalisme « sauvage » et cruel aux plus-values très avantageuses – et le capitalisme, malgré certains moments de tempérance en raison de conjonctures politiques défavorables comme à l’époque de la « guerre froide », doit être toujours « sauvage » et cruel pour répondre efficacement à la logique intrinsèque de la baisse tendancielle du taux de profit.
Tout « naturellement », les élites accusent les communistes d’être les responsables de l’absence d’espace public du débat et de l’action collectifs. Mais qui étaient-ils donc ces communistes dont tout le monde parle et qui, depuis décembre 1989, ne montrent pas même le bout du nez sinon, sauf rares exceptions, ces mêmes élites d’aujourd’hui. Il n’est guère besoin de fouiller dans les archives de l’ex-Securitate pour savoir qui fut qui ! Un peu de mémoire suffit à établir des biographies individuelles qui prouveraient, sans coup férir, sans médisance ni commérages vulgaires, où se tenaient ces élites. Plus encore, un peu d’effort de lecture et cette accusation disparaitrait. De Caragiale à Paul Morand, de John Reed (Guerre dans les Balkans) à Lucien Romier (Au carrefour des empires morts), dans les pages inégalées de Greggor von Rezzori (L’Hermine souillée, Mémoires d’un antisémite, Neige d’antan), dans l’ouvrage remarquable de l’historien Sorin Antohi (Civitas imaginalis), on constate, depuis la fondation de la Roumanie moderne, la domination de formes politiques et sociales totalement imposées de l’extérieur, sans fondements vécus et produits par le peuple. C’est cette absence de fondements (en tant qu’expérience existentielle et subjective de l’absence) qui vide toute forme institutionnelle moderne de sa force, de son dynamisme démocratiques ou autoritaires. Car s’il en fut ainsi pour la monarchie constitutionnelle, il en alla pareillement pour le régime communiste qui fut subverti aussi par la culture locale : les traits culturels essentiels d’un peuple dépassent et outrepassent toujours les régimes politiques et les institutions qui les soutiennent. Jamais, à ma connaissance, l’espace publique n’a été en Roumanie autre chose qu’une figure absente qui néanmoins nourrit les réunions mondaines de fades jérémiades, de lamentations pleurnichardes, de déplorations sur l’impuissance et la corruption.
Si la modernité roumaine est assise sur des formes politiques modernes sans fondement social, ou mieux, si l’énonciation de la présence d’un espace public se vérifie par l’absence de sa pratique, on est donc parfaitement en droit d’affirmer qu’il est là un état normal de la modernité roumaine… Et, simultanément, au moment que l’espace public essaie avec peine d’émerger du chaos, il est immédiatement vidé de ses débats de fond (qui sont des débats sur ses fondements), en particulier ceux relatifs à la légitimité des institutions, des lois, de la constitution d’une part, et ceux portant sur l’intériorisation de pratiques respectueuses du bien commun de la collectivité de l’autre. On est toujours dans la normalité de l’absence. Aujourd’hui on est submergé de fadaises sur le multiculturalisme (imposé par l’Occident et non pratiqué par lui), mais lorsque de jeunes universitaires hongrois de l’Université de Cluj veulent apposer des plaques bilingues dans les bâtiments de la dite université proclamée multiculturelle (« Interdiction de fumer » par exemple, tilos a dohányzás), alors le recteur Andrei Marga, grand chantre du multiculturalisme devant ses maîtres étrangers, menace de les renvoyer ! Aucun débat public n’ayant eu lieu pour que leurs pairs et les étudiants puissent faire connaître au moins leur opinion !
Si l’on devait faire une analyse phénoménologique des manifestations de cette absence, le mieux serait d’observer le fonctionnement des institutions et des comportements. Ainsi, comment comprendre un pays où, au nom d’une loi d’autonomie des universités publiques, celles-ci se sont transformées en entreprises essentiellement privées, dont les salaires des cadres supérieurs (les professeurs), hormis la base minimale garantie par l’État (que l’on appelle ici budgétaire), sont distribués selon le bon vouloir du secrétariat d’un Sénat agissant comme une sorte de capo maffioso prodiguant des récompenses à ses fidèles selon les « services rendus ». Un tel usage de l’autonomie universitaire présente l’exemple parfait de cette forme sans fondement et ce d’autant plus que la direction peut changer la structure et la hiérarchie administrative selon une dynamique que lui dictent ses propres intérêts. Des facultés sont subventionnées et d’autres ne le sont point en fonction d’arguments financiers dignes d’une entreprise privée (succès auprès d’étudiants conçus comme des consommateurs !)[1], sans qu’aucun débat ne soit organisé jamais parmi les membres du corps enseignants tout grade confondu sur la légalité et le bien-fondé d’une telle transformation. En effet, un tel débat contradictoire aurait dû être le fait de véritables syndicats (d’enseignants, d’étudiants, des personnels techniques) occupant leur place dans l’espace public. Mais comment un véritable syndicat pourrait-il exister puisque le lieu de son expression, précisément l’espace publique n’est point. Dès lors, dans la réalité des pratiques, l’autonomie universitaire (une loi et ses articles) se confond avec le clientélisme et le népotisme.
Pis, le silence pesant sur le fonctionnement pédagogique réel de ces institutions cardinales pour la reproduction des élites, se fait au détriment des meilleurs parmi les étudiants, car tous savent que de très nombreux travaux universitaires (sans parler des articles publiés dans les revues locales) présentés comme thèses de mastère et de doctorat, et assurant une promotion des impétrants, ne sont que de vulgaires plagiats de publications occidentales (y compris des ouvrages entiers). Y a-t-il eu de vrais débats et des sanctions quelconques ? À ma connaissance, rien de systématique. De temps à autre un scandale éclate dans la presse, or son but n’est pas de mettre en scène une polémique sérieuse sur les moyens d’instaurer des contrôles efficaces, car, dans les faits, il s’agit toujours de sordides et mesquins règlements de compte entre forces politico-économiques. Aucune élite prompte à se montrer sur le devant de la scène comme parangon de la moralité publique n’a appelé à ce genre de controverse… elles se complaisent à macérer dans la fange de leur moralisme, s’accusant mutuellement d’appartenance à l’ancienne police politique, comme si la majorité de la population croyait encore sérieusement à la spontanéité de la révolte de décembre 1989 et ne l’avait pas comprise depuis longtemps comme un coup d’État bien organisé, avec, de surcroît, le nombre de victimes populaires nécessaires pour faire accroire une révolution !
Ce qui a été dit des universités vaut pour bien d’autres domaines qui relèvent de l’espace public, c’est-à-dire non seulement du jeu strictement politique ou strictement institutionnel, mais de controverses et de polémiques entre les fractions composant la sphère politique et celles composant la société dans sa complexe diversité. Par exemple, il y a en Roumanie des lois et des décrets qui règlent la conservation des monuments religieux inscrits au patrimoine national. En principe, aucune action technique ne peut y être envisagée sans l’approbation d’une commission dirigée par le responsable départemental des monuments historiques. Dans les faits, les choses fonctionnent bien différemment… Ainsi, un village du département d’Hunedoara possède l’une des plus anciennes églises orthodoxe en pierre de Roumanie. Voici à peu près un an, un journaliste découvrit que les minuscules fenêtres et leur encadrement de vieux bois y avaient été remplacés par un ensemble fait de PVC (thermopan). Interrogé, le prêtre répondit qu’il n’avait rien pu faire pour s’opposer à la volonté de ses paroissiens (note de l’auteur : qui lui versent son salaire), quant au directeur départemental des monuments historiques averti par le pope, il s’était bien gardé d’intervenir pour imposer son veto. Voilà un petit incident certes, mais ô combien exemplaire d’une totale absence du sens de l’espace public et de la conception que les fonctionnaires publics ont de leur responsabilité, non point tant face à l’État qu’à l’égard de la société qui devrait attendre d’eux qu’ils fassent respecter la loi, ni plus ni moins… Or, si la société se sent déliée de responsabilité vis-à-vis de la loi, c’est parce qu’elle pense pouvoir réaliser ainsi sa volonté privative. Mais le fonctionnaire, quant à lui, ne pense pas différemment ; lui aussi appartient à cette société, et considère que les fenêtres d’une petite église perdue dans les campagnes de Transylvanie n’ont, au bout du compte, aucune importance patrimoniale. Car l’essentiel n’est-il pas de délier foi et morale, de se montrer à l’église les jours de fêtes, d’embrasser les icônes, de faire le signe de croix, les génuflexions et d’être assuré, au bout du compte, que Dieu reconnaîtra les siens. C’est pourquoi, sans pessimisme aucun, il n’y a guère d’espoir de voir surgir du polémos entre l’État et la société, l’État et l’Église, l’Église et la société, entre diverses factions de la société, et de là l’ébauche d’un quelconque espace public… Je pourrais multiplier les exemples à l’infini au risque d’accabler et d’excéder le lecteur. Ainsi, au Maramures, célèbre pour ses églises de bois d’un gothique tardif, de taille modeste, sauf les clochers, impressionnants par l’élégance des proportions harmonieuses de leur hauteur, se multiplient à leur côté de nouvelles églises, écrasant les anciennes de leur masse de béton, de leurs parois de verre parfois même colorés. Or, je sais qu’il y a des lois qui protègent l’intégrité de ces sites… néanmoins, personne ne dit mot… les politiciens par peur de perdre des électeurs, les intellectuels parce qu’ils s’en moquent, et tous, peut-être, parce que, comme les paysans, ils pensent que c’est cela la loi du progrès : le bétonnage généralisé !!! Il faudrait encore rappeler les « palais » tsiganes qui fleurissent partout et viennent, comme à Turda, s’implanter, semblable à un château du Disneyland tombé du ciel, au beau milieu d’un vieux quartier d’artisans bâtit entre les années 1900 et 1940 de charmantes maisons néoclassiques avec leur jardin. N’y a-t-il pas à Turda un plan d’occupation des sols ? N’y a-t-il pas des règles d’urbanisme ? Et si le maire de l’époque n’eut rien à redire (!) à ce qu’il faut bien regarder comme une totale incongruité architecturale et urbaine, pourquoi la population du quartier est-elle demeurée silencieuse ? Pourquoi a-t-elle accepté une telle monstruosité… C’est bien là la preuve que ce goût est partagé par tous, et que, simultanément, tout le monde trouve normal que la corruption permette d’agir à sa guise. Chacun, en son fort intérieur, espérant un jour faire travailler cette possibilité à son profit… C’est exactement cela l’absence de conscience d’un espace public
Ce qui a été dit pour le fonctionnement des universités, pour la défense des monuments historiques, pour le respect d’un minimum de rationalité urbaine, vaut et peut-être avec plus de force encore pour l’écologie. Une fois encore la Roumanie n’est pas en reste d’une loi sur l’écologie. Elles ont toutes été votées dans l’enthousiasme d’une synchronisation avec l’entrée du pays dans l’Union européenne… Or que constate-t-on lors d’une promenade hors des villes (voir dans la ville), dans les campagnes, à l’orée des bois et des forêts, le long des ruisseaux et des rivières, en musardant sur les rives des lacs ? Partout surgissent des décharges d’ordures, partout fleurissent des bouteilles en plastique, des boîtes et des bouteilles de bière, des capsules de métal, partout papiers gras et sacs en plastique volettent au gré du vent, se déposent ici et là comme d’énormes papillons, s’accrochent aux branches des buissons, planent au milieu des pâturages, s’amoncellent sur les berges et les bancs de sables des rivières pendant l’étiage estival. En bref, les cours d’eau du pays sont transformés en autant d’égouts à ciel ouvert… Qui dit quoi ? Certes on mobilise les enfants d’une ville le jour de l’écologie : petite fête, flonflons pop-rock, distribution de gadgets quelconques, beaux discours des édiles, bla-bla des ONG… on promet d’agir (surtout si l’argent de l’UE est attendu)… et puis, les choses reviennent à la normale…
Université, monuments historiques, écologie, toujours les formes sans fondement… Allocutions et harangues les jours de fêtes, lors des visites officielles, belles paroles tout à fait conformes aux normes exigées des maîtres : démocratie, multiculturalisme, protection du patrimoine, écologie agissante… Une fois les lampions éteints, la fête terminée, l’affrontement des intérêts strictement privés recommencent de plus belle. En effet, dès lors que les formes étatiques et institutionnelles sont sans fondement social, sans bases publiques, l’État n’est qu’une coquille creuse (hormis les forces du maintien de l’ordre, l’État gendarme souhaité par l’hyperlibéralisme hayékien qui fascine tant les anciennes-nouvelles élites communistes), délimitant le champ de bataille d’intérêts strictement privés… Or la somme des intérêts privés n’a jamais constitué un espace public. L’espace public est précisément ce qui n’est ni à l’État ni aux personnes privées, mais à tous, entendu comme la société dans sa plus grande diversité. Dans ce cas l’État (fût-il selon la définition marxiste, l’État de classe) doit néanmoins pour posséder un minimum de légitimité collective défendre le bien public en sa généralité. Et c’est ce bien public qui, au-delà des classes sociales en lutte, constitue l’espace public comme objet et lieu de débats ininterrompus, d’incessantes controverses, de vivaces conflits, mais aussi comme moments de négociations et de compromis plus ou moins durables. C’est cela, et seulement cela, qui peut engendrer les fondements d’une réelle démocratie moderne, vivante, et respectueuse des différences, dût-on savoir que le pouvoir des élites ne se laisse pas subvertir aisément.

On le constate, en Roumanie il n’y a pas de débats publics sérieux dès lors qu’il n’y a pas d’espace public reconnu comme tel et défendu comme tel. Mais pour qu’un tel espace, à la fois réel et imaginaire puisse exister, il faut qu’auparavant d’aucuns se pensent et agissent comme citoyens, c’est-à-dire comme autant d’individus à la fois conscients de leurs droits, mais, et, c’est fondamental, de leurs devoirs vis-à-vis de la collectivité… Or, une telle conscience de la citoyenneté qui est à la fois exigence à l’égard de l’État (les droits) et sacrifice d’une fraction de sa liberté privée (les devoirs), n’est pas l’horizon de la vie sociale de demain en Roumanie… Un simple coup d’œil jeté sur les nouvelles banlieues « chics » de Bucarest, de Cluj ou de Timisoara, en fournit la plus parfaite illustration…
Claude Karnoouh
Paris, juin 2008


[1]    Il va sans dire que les disciplines classiques, philosophie, lettres classiques, voire lettres modernes, sont les premières touchées par ces mesures financières en ce qu’elles sont très largement passées de mode au profit de machines à fabriquer des ignorants, sciences politiques, études européennes (comme si la philosophie, le latin ou le grec ne constituaient pas les études européennes par excellence), langues étrangères appliquées (appliquées à quoi ?), etc. Le modèle étant pris parmi les sections bas-de-gamme des universités occidentales…

Hopper ou le réalisme à peine capitaliste


Hopper ou le réalisme à peine capitaliste

Devant l’énorme succès, quoique surprenant me semble-t-il, de la très importante exposition d’Edward Hopper qui se tient à Paris, au Grand Palais,[1] les organisateurs ont décidé de la prolonger jusqu’au 7 février. Je connais Hopper de longue date, surtout quelques uns des tableaux les plus célèbres de la seconde période de sa vie, celle qui coure des années 1930 à sa mort en 1967 à New-York, et qui montrent des parcelles de la vie urbaine étasunienne, des vues des campagnes et des côtes de l’Est des Etats-Unis.
Je ne vais pas entreprendre ici une analyse exhaustive de l’art de Hopper, d’autres s’y sont essayés, et certains avec talent.[2] Ce qui m’intéresse, c’est la raison de ce tardif succès, en France, d’un artiste américain, somme toute peu connu du grand public français voici encore quelques années. Certes, cette exposition a fait l’objet d’une intense campagne de publicité tant dans la presse qu’à la radio et la télévision, mais seule, cette agitation médiatique, ne peut expliquer le pourquoi de queues si longues, où, même avec un coupe-file, il fallait attendre parfois une heure pour entrer ! Ce succès égale celui obtenu, quelques années auparavant, par l’exposition Renoir. Toutefois, le cas Renoir est bien plus simple. Renoir est l’impressionniste le plus aimé, le plus admiré, le moins étrange, le plus proche de l’image que se font les Français, les Européens et les Américains de la douceur vivre en France à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Rien de cela ne ressortit à l’œuvre de Hopper.
Ce succès peut être imputer au fait que Hopper, dans un style simultanément réaliste et synthétique, usant de couleurs froides, d’ombres et de contrastes fortement marqués, montre – ex-pose – une Amérique apparemment tranquille et sereine : l’Amérique des classes moyennes, l’Amérique des upper middle class, mais aussi, une Amérique plus énigmatique, celle des nuits urbaines, voire, et qui saurait le dire puisqu’en apparence rien ne le suggère dans ce qui est montré, une Amérique plus dangereuses, celles des paumés nocturnes, peut-être celle des gangsters, des nuits qui ont illustré tant de romans et de films noirs. Que ce soit dans la ville, en banlieue, dans la campagne, de cette œuvre, il se dégage une impression de solitude insondable, d’isolement de l’individu perdu dans l’environnement minéral de la grande ville ou du couple isolé dans sa résidence secondaire. Hopper est en effet le peintre de toutes les strates des classes moyennes étasuniennes, de ces groupes sociaux issus de l’ingénierie du capitalisme fordien et keynésien commencé aux États-Unis avec le New Deal et déployé en Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale. Rien n’est donc plus immédiatement réaliste, que dis-je, plus crûment réaliste que Hotel Room (1931). Dans une chambre quelconque, non miséreuse sans être luxueuse, banale sans être particulièrement laide, quelque part dans une ville qui pourrait être située partout et nulle part aux États-Unis en ce que la chambre n’a pas d’autres caractéristiques que le lit, les bagages posés dans un coin, une robe et des chaussures ôtées. Là, assise sur le lit, une femme dans un justaucorps rose saumon lit une lettre. Pourquoi est-elle là ? Rien ne le suggère. Mais on devine l’attente et l’ennui, mais sans marques de tristesse ou d’angoisse. On ne perçoit aucun signe d’une quelconque agitation, pas de drame personnel ou social ne transparait sur les traits esquissés de son visage. L’univers de la chambre et de ce qui est supposé l’entourer semble lisse, tranquille, plat, sans aspérité. Un an plus tard il peint Room in Brooklyn (1932), douze ans plus tard, Morning in a City (1944) et vingt ans plus tard Morning Sun (1952) : dans chacune de ces œuvres il y a toujours une femme qui regarde à travers par la fenêtre la ville suggérée soit par une ligne de quelques fenêtres sur le mur d’en face, soit par quelques cheminées plantées sur les toits voisins. Couleurs franches, jaune, brun, vert, ou le blanc d’un rayon de soleil ou du reflet des draps éclaire un bout de chambre ou le haut de la cuisse de la femme. Même mornitude calme et presque détachée dans cet autre tableau d’une femme assise au café tenant une tasse dont le titre ô combien suggestif, Automat (1927) nous parle encore de solitude et d’une vacuité répétitive sans tension. S’y dégage toujours le calme d’un profond ennui sans drame explicite, tout y est lissé, précis, mais sans l’obsession du détail comme chez Dali par exemple, héritier direct de la Renaissance italienne et flamande, non plus qu’on y trouverait des symboles dramatiques ou tragiques synthétisés comme chez de Chirico.
Toutefois, ce qui donne peut-être le ton général de la peinture de Hopper s’expose dans l’admirable Nighthawks (1942). Pourquoi nommer « Faucons de la nuit » le restaurant du coin de la rue, vu de l’extérieur par un passant attardé. Il est déjà bien tard, à travers la vaste vitrine, on voit trois personnes attablées au bar, un homme seul de dos, un couple de face silencieux, et le barman tout de blanc vêtu, le calot planté sur le chef, affairé à laver quelques assiettes, et, au fond, deux percolateurs demi-pleins ou demi vides. Seule la lumière électrique et blanchâtre du bar éclairent la nuit et illumine la robe rouge de la femme, rompant ainsi la monotonie des bruns noirs et du rouge sombre des murs des immeubles d’en face. Solitude abyssale de la nuit dans la grande ville. Quelle angoisse, quelle peur conduit-elle ces gens à demeurer là, hors de chez soi, assis dans ce lieu lugubre ? Y va-t-on seulement pour y rencontrer ne serait-ce qu’un être humain ? Être dehors, au bar, se taire, regarder les yeux vides, ou échanger des banalités, pas même avec son voisin, mais avec le barman aux réponses banalement laconiques : « It’s OK ! », « Been a long day to day ! », « Out late tonight, huh ? ». Peur de rentrer chez soi, de se retrouver face à soi-même sans rien avoir à se dire, ou simplement attendre un événement certainement improbable. Autant de tableaux, autant d’images synthétiques condensées et figées venues de cette invention étasunienne hautement originale, le film noir, le film de gangsters, lui-même issu de cette haute littérature, le roman policier, authentique saga américaine (avec le western), tout à la fois poésie de la vie urbaine, de sa face violente, criminelle, hideuse, vicieuse, vulgaire, mais parfois grandiose, passionnelle ou quasi épique, et sociographie de ses classes sociales. Arrêt sur la page d’un premier chapitre, arrêt sur l’image d’un premier plan qui pourrait être celui du Maltese Falcon ou The Big Sleep, je vois surgir devant mes yeux Humphrey Bogart et Lauren Bacall, ou ce rappel de pieuse mémoire de la scène du lugubre café aux heures tardives du soir qui ouvre et clôt l’ultime film de Robert Altman A Prairie Home Companion, (2006).[3] Regardons encore cet homme seul, le cigare à bouche, assis sur le trottoir de bois d’une ville quelconque, moyenne ou plus grande, d’une ville perdue dans le Middle West ou d’une banlieue, les manches de chemises retenue par un sorte de jarretière, comme en portent les joueurs professionnels. Il est là, immobile, enveloppé d’un suaire de lumière verte et jaune délavée, en plein soleil : lui aussi le regard perdu, comme plongé dans le vide existentiel d’une attente de rien, Sunday (1926). Cet homme seul, en attente, me fait songer à un personnage du roman noir de James Hadley Chase, No Orchid for Miss Blandish – sans doute le plus faulknérien de tous les romans policiers que j’ai lu –, le vieux fermier borgne, assis dans son fauteuil à bascule, fumant un pipe de panouille de maïs, se balançant lentement sur le plancher d’une véranda en ruine, un œil crevé purulent « comme un crachat sur le visage ».
Il y a aussi un Hopper hors la ville, un Hopper captant les urbains dans la campagne dans leurs confortables maisons aux couleurs délavées ou blanches, plantées là, au milieu de douces collines ou près du bord de mer. Visions simples, une maison de bon alois, toujours Upper Midlle Class, un paysage tranquille, sans agitation aucune, un jour de très beau temps, l’air est calme et chaud, des gens d’âge moyen jouent avec leur chien dans une prairie jaunie sur le devant de la maison, Cape Cod Evening (1939). Une jeune femme moitié dénudée dans son peignoir, debout sur le seuil, au moment que le soleil brille à son zénith, plantée là sans but, et toujours de simples couleurs, des ombres franches ; ou la jeune fille endimanchée dans sa robe légère, à peine transparente à l’entre-jambe, attendant sur un seuil à colonnade qu’un hypothétique jeune homme la prenne pour une promenade, Summertime (1943)[4] ; un jeune couple, lui debout sur le seuil de la maison, elle assise sur la rampe de l’escalier qui mène à la pelouse bordée plus loin d’un bois sombre frondaisons indistinctes, et dans le clair-obscur d’une journée ensoleillée, tous deux demeurent le regard lointain, plongés dans une tonalité de jaunasse et verdâtre où seule la robe bleutée de la femme donne un ton un peu moins morne, Sunlight on Brownstones (1956).
Ce qui surprend chez Hopper c’est de constater combien le réalisme qu’il développe au cours de ses années de maturité et de vieillesse – ce réalisme tant urbain que campagnard –, et qui synthétise la vie quotidienne des classes moyennes du rêve américain, est totalement déserté des graves événements qui ont marqué l’Amérique des deux décennies qui courent de la fin années 1920 aux années 1950 du siècle dernier. Jeune, ses choix étaient plus éclectiques : lors de l’un de ses premiers séjours parisiens, le jeune peintre illustra les poèmes que Victor Hugo consacra à La Commune, L’année terrible, 1870-1871 (1906-1907), puis de retour aux États-Unis, vers 1914 il nous offre par exemple une marine franchement colorée, presque joyeuse, un rivage apaisé certes, mais peuplé de petites barques de pêche d’une blancheur immaculée qui suggèrent une vive activité des marins-pêcheurs côtiers, The Dories, Ogunquit (1914). Réalisme encore et toujours, mais un réalisme extrêmement sélectif, les peintures de Hopper ne montrent jamais quoi que ce soit de la grande crise de la fin des années 1920 et de ses effets ravageurs sur la société étasunienne, comme on les rencontre exposés, explicités et illustrés dans les romans et les films inspirés de la misère due à la grande dépression (John Steinbeck/ John Ford, Grapes of Wrath par exemple ou Eskine Caldwell/Anthony Mann, God’s Little Acre). L’œuvre de Hopper  ne dit pas plus des noirs encore régulièrement assassinés, et non seulement dans le Sud, puisqu’en 1930 deux noirs furent lynchés à Marion dans l’Indiana ; pas plus qu’elle ne suggère quelques rappels de la Seconde Guerre mondiale qui jeta le pays sur deux fronts mondiaux. Or, si l’on se laisse posséder par la contemplation des tableaux de Hopper, il ne semble pas moins évident que la vision calme des classes moyennes qu’il offre à notre regard, notre sensibilité et notre entendement, laisse paraître une sorte de froideur, de distance que souligne les couleurs et les sujets, les angles de vue, les personnages qui les occupent. Les regardant intensément, j’y ressens une sorte de malaise, quelque chose est y trop froidement policé. Aucune joie de vivre ne ressort de ces tableaux illustrant sous diverses thématiques, les bénéficiaires du rêve américain. Au contraire, il sourdre de ces scènes avec personnages une totale absence de communication entre les êtres, quelque chose proche de ce que, plus tard, Antonioni explicitera dans un film comme Il Deserto Rosso. Des personnages qui les occupent les divers paysages, on ne discerne aucune joie de vivre ensemble, aucun rapport chaleureux, aucun enthousiasme, mais on ne trouvera pas plus d’expressions de colère ou de haine, personnelle ou collective. Ce qui domine l’ensemble, c’est la représentation d’un confort moyen ou supérieur ; même dans la nuit au bar des « Faucons », tout est lisse, smooth, rien qui ressemble à un bouge pour lumpen en voie d’alcoolisation. Tout exprime a kind of cosiness mêlée à la mornitude répétitive d’un espace identique qu’il se montre ici ou là, Western Motel, (1957), Hotel Lobby, (1943) ; un confort simple dans la morosité du travail quotidien, New York Movie (1939) ou New York Office (1962), l’une de ses dernières toiles. Pourtant la vision que Hopper donne de l’Amérique n’est guère empreinte de gravité, ni même de quelconques drames, pas du tout, l’Amérique de Hopper est simplement morose, maussade, non pas kitsch, joyeuse ou sinistre comme elle peut l’être dans l’hyper-réalisme. Son ennui est simple et familier, aplati comme l’idéal protestant d’une honnête vie quotidienne ou, présenté d’une manière froidement distanciée quand il s’agit des nuits angoissantes ou pleines de danger, lorsque d’aucuns sont plongés dans la jungle des villes (encore une expression du thriller américain, Asphalt Jungle, le roman de William Riley Burnett, et le film mis en scène par John Huston).
Que cette vision simultanément distanciée et apaisée du rêve américain et de ses classes moyennes, ou que les images d’une nature quasi européenne et donc tout aussi apaisante et non majestueuse, imposante et angoissante comme peuvent l’être les paysages grandioses du désert et des canyons (Monument Valley), des hautes montagnes et des immenses forêts (Les Rocheuses de l’Orégon à la Californie) puissent plaire au public français venu en masse (public où dominaient les visiteurs ayant passé la quarantaine), on serait tenté de le penser. Ce regard sans passion en induirait peut-être le succès. Il s’agirait donc pour un public avide de culture spectacle, et qui la consomme comme on consomme n’importe quel objet de la différence sociale, de la quête d’une Amérique à « visage humain », d’un capitalisme à visage humain sans villes immenses, d’une Amérique apaisée sans la démesure propre à son auto-développement qui à la fois fascine et effraie l’Européen des classes moyennes. Hopper montre simultanément une Amérique qui par nombre d’aspects nous ressemble et une Amérique urbaine qui, dès lors qu’elle pourrait être terrifiante est traitée avec une distance thérapeutique qui en neutralise les effets par la recherche d’aplats aux couleurs froides et d’ombres franches qui les délimitent. Comme le réalisme socialiste, ni réaliste et peu socialiste, le réalisme capitaliste de Hopper est en fait bien peu réaliste, ni directement capitaliste. Plus encore, si dans le réalisme socialisme demeurait des bribes de divin sécularisé (selon les remarques de Berdiaev) perceptibles avec les drapeaux rouges, les masses de travailleurs engagés dans diverses activités collectives (y compris les défilés de masse), les divers acteurs pendant leur travail « exemplaire » ou au cours des heures de repos, dans le réalisme capitaliste de Hopper, l’absence de divin est tellement patente que ce confort précédemment relevé semble tenir chez lui de l’essence de l’homme dans son inscription spatio-temporelle. Et si les peintres figuratifs se confrontent et nous confrontent directement à leur vision du Dasein (l’homme-sujet en son lieu et temps), alors l’œuvre de Hopper en illustre l’identité avec le bien-être, voire, au-delà, avec l’avoir. Aussi, sans forcer le trait, peut-on suggérer que Hopper fut celui qui ex-posa cet état avec la plus simple distance.
En ce début du XXIe, en un moment de sur-agitation mondiale, c’est, me semble-t-il, cette neutralité sans passion qui assure le succès de ce peintre peu connu du grand public français. Ses images apaisent quelque part les angoisses existentielles du spectateur européen moyen. Pour le visiteur, une manière d’oublier, rien qu’un moment, la crise précédente, c’est-à-dire l’histoire, et la crise présente, c’est-à-dire notre vie quotidienne, quand on y est plongé journellement, laquelle se révélant inexorablement la plus grande crise économico-politique des temps modernes. Crise sans précédent dans l’histoire moderne, mais plus encore que la précédent, simultanément crise de la pensée, tant par son extension géographique et sociale que par les masses qu’elles met en jeu ‑ la quantité écrasante d’hommes et la masse monétaire deviennent des qualités nouvelles que la pensée à bien du mal à saisir en sa totalité. Comme la première crise gommée par Hopper celle de notre présent nous a été léguée par l’Amérique, que dis-je léguée, offerte serait plus juste. En posant les yeux sur l’anti-ostentation des intérieurs et des espaces, Hopper voulait peut-être se rassurer quant à l’avenir. En effet, son réalisme aplati et partiellement amnésique nous dit qu’une fois les tempêtes passées, les crises et les guerres éteintes, un monde tranquille est à nouveau possible. Or c’est précisément l’inverse qui s’est déployé comme vérité du monde, crises et guerres ont fait que le monde qu’il illustra n’existe plus depuis longtemps… Certes rendons lui justice, Hopper, grand artiste classique, avait voulu en recueillir les derniers feux…
Claude Karnoouh
Paris-Bucarest, janvier 2013





[1] Il va sans dire qu’aux États-Unis, et en dépit des courants abstraits, du trash art, ou de celui des installations, Hopper est un peintre largement reconnu par les élites culturelles, mais particulièrement par les cinéastes.
[2] Walter Wells, Silent Theater: The Art of Edward Hopper, Phaidon Press, 2007
Wieland Schmied, Edward Hopper. Portrait of America, Prestel, Munich, Londres, New York, 2011.
[3] Il y a aussi un hommage visuel rendu à Hopper dans divers plans du film de Woody Allen, Sweet and Lowdown.
[4] Serait-elle là, nostalgique, car nous sommes en 1943, se souvenant du temps quand le dimanche après-midi son fiancé venait la prendre pour une promenade en voiture. Mais il n’est plus là, il est parti à la guerre, dans le Pacifique ou en Italie ? Rien n’est dit ni même suggéré.