La campagne électorale roumaine ou la valse des pantins
La campagne électorale pour les élections présidentielles de
Roumanie est porteuse de quelques enseignements intéressant pour jauger du
niveau politique des candidats et de ceux parmi les intellectuels qui les
soutiennent directement. Particulièrement insipide ou simplement vide quand on
écoutait ou lisait les professions de foi des candidats avec des mots d’ordre
indigne d’une campagne politique qui doit désigner un homme possédant plus que
le pouvoir exécutif comme l’a démontré le sortant Monsieur Basescu. Entre
injures, diffamations et affirmations infantiles sur le fait que l’un est plus
roumain que l’autre ou que l’un ne parle point en l’air, mais agit (il n’a pas
fait grand chose dans les faits), que l’un a trois maisons et l’autres six
maisons, entre les critiques d’un moralisme douteux énoncés par des candidats qui
eussent mieux fait de s’auto-analyser avant que de chercher des poux dans le
tête de ses concurrents, on ne peut pas affirmer que le débat a volé très haut,
même quand certains candidats ont été épaulés par de « brillants » intellectuels
ou de véritables et très bons acteurs, chacun par ailleurs étant en effet libre
de ses affiliations y compris avec le diable !
Toutefois le thème de la géopolitique aurait mérite d’être
abordé avec un peu plus de sérieux que des discours farcis de creuses promesses
ou des distributions de sacs en plastic remplis de nourritures, voir, le bruit court,
de sommes d’argent. Il s’agit d’un débat réel sur les alliances géopolitiques. Que
ce soit Madame Macovei, ou Messieurs Iohannis, Ponta, Tàriceanu lorsque
lorsqu’ils lancent des phrases comme fuyons les Russes, jetons-nous dans les
bras des USA qui défendent la Roumanie, un rire sinistre me prend, non pas que
la Russie n’a pas ses propres ambitions d’influences politiques, car ce serait
naïfs que d’affirmer le contraire, et ne le suis point. Mais faire accroire le
peuple que les USA, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie vont
défendre la Roumanie, c’est soit être un ignorant politique soit un agent
compradore et prendre les citoyens pour des idiots, ce qu’ils sont souvent il
est vrai. Mais idiots ou non les citoyens sont électeurs, et c’est une grave
faute éthique que de leur mentir sciemment. En effet, depuis quand les grands
pouvoirs défendent-ils les intérêts des petits États. Comme le disait Churchill
dans ses mémoires, « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des
intérêts. » Et donc comme auparavant, pendant l’occupation de la Roumanie
par l’URSS, celle-ci défendait avant tout, et malgré ses discours sur la
solidarité prolétarienne internationale, ses intérêts d’État bien avant les
intérêts de la classe ouvrière roumaine, et grâce à un historien comme feu
Constantiniu nous avons eu connaissance de la rage des Soviétiques lorsque les
autorités communistes roumaines prirent leur autonomie géopolitique face aux stratégies
de l’empire rouge comme l’illustra parfaitement le refus d’août 1968
d’intervenir avec les autres membres du pacte de Varsovie contre le Printemps
de Prague ou de rompre les relations diplomatiques avec Israël tandis que les
autres satellites les avaient clôt sous l’injonction de Moscou.
Aujourd’hui nous sommes confrontés à une situation inverse,
sauf que le discours politique des élites politiques et de nombreux
intellectuels est beaucoup plus trompeur qu’auparavant, en ce qu’elles
affirment que les USA défendent les intérêts de la Roumanie. Depuis quand en
effet de grandes puissance défendent-elles les intérêts d’autres puissances ?
Est-ce que pendant la Seconde Guerre mondiale le IIIe Reich allié de la
Roumanie a-t-il défendu les intérêts de la Roumanie ou simplement les intérêts bien
pensé ou mal de sa stratégie ? Les Grandes puissances auxquelles après le
23-24 août 1944 la Roumanie s’était alliée contre ce même Reich ont-elles
défendus les intérêts de la Roumanie contre les velléités soviétiques d’inclure
la Roumanie dans son espace vital ? Si mes souvenirs de lecture sont bons,
il y avait même en 1945 des articles dans la presse étasunienne qui rapportait
la condamnation par d’éminents politiciens étasuniens des critiques émises par
les partis roumains de droites ou de centre-droit à l’encontre des
comportements déjà impériaux des Soviétiques à Bucarest ! Comment dès lors
croire que les États-Unis en 2014 auraient changé de stratégie ? N’ont-ils
pas abandonné le Sud-Vietnam à son triste sort quand la guerre n’avait plus
d’intérêt pour eux et qu’une majorité de la population des États-Unis s’y
opposait de plus en plus ? Cette grande puissance, et c’est son droit de
grande puissance, défend ici et là dans le monde ses intérêts face à ses
concurrents, la Russie postcommuniste, la Chine, l’Inde, l’Iran, les BRICS
d’Amérique latine. Et dans ce grand jeu géopolitique elle a, pour le moment,
besoin de la Roumanie à la fois pour y installer quelques bases militaires,
mais, et ce n’est pas le moindre des enjeux pour en exploiter les matières
premières au moindre coût et le marché au plus grand bénéfice. C’est cela qu’il
aurait fallu dire aux citoyens afin qu’ils déterminent leurs choix politiques
en connaissance de cause, car une autre politique serait possible, non pas
sauter dans les bras de Russes, mais développer une habile politique de balance
entre les deux pouvoirs, ce que les politiciens roumains de l’Entre-deux-guerres
avaient entrepris entre l’Allemagne nazi d’une part et la France et la
Grande-Bretagne de l’autre, mais l’effondrement militaire en juin 1940 de ces
deux dernières rompit ce délicat équilibre, jetant le pays dans les bras de
l’Allemagne par manque de courage des élites de refuser ses diktats, entre
autre celui de Vienne. En effet exploiter les dissensions entre les grandes
puissances au mieux des intérêts vitaux (politiques et économiques) de la
Roumanie voilà qui pourrait protéger partiellement la Roumanie de n’être pas une
simple colonie de Washington et de Bruxelles comme cela s’est mis fermement en
place pendant l’époque Basescu, 2004-2014.
Dans le contexte des propagandes électorales nourries de
telles illusions du whisful thinking et de tels mensonges, quel que soit
l’heureux élu il ne sera jamais autre chose qu’une sorte de marionnette
déléguée au maintien de l’ordre pour satisfaire à des intérêts dont nous savons
par expérience qu’ils sont toujours contraires à ceux du pays en sa totalité.
Claude Karnoouh
Citoyen européen, Bucarest 1 novembre 2014
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