Après le cirque
électoral la réalité politique revient au grand galop
La valse des pantins a donné ses résultats, Johannis a gagné
le concours du plus sexy des présidentiables… D’un côté une caricature de
Mickey Mouse, de l’autre un Schwarzenegger de province plus proche d’une
publicité pour une pâte dentifrice que de Monsieur Muscle-Terminator et ancien
gouverneur de la Californie. Enfin, chaque pays produit le matériel humain
qu’il peut et non ce qu’il prétend vouloir. Les Français ont donné au monde un autre
pantin, Hollande-Flamby, ce n’est pas très glorieux car nous ne sommes plus
très glorieux. De toutes les manières cela n’a qu’une importance très relative
en ce que la Roumanie est devenue après décembre 89 une colonie de Washington
et de Bruxelles, sa politique est désormais déterminée par le département
d’État et le FMI pour les grands choix politico-économiques et par Bruxelles
pour la gendarmerie quotidienne.
En revanche, ce qui ressort à présent sous la lumière la
plus crue et la plus violente, c’est le discours de pseudo-élites, ce que je
nomme la lumpen intelligentsia, un discours libéré grâce à la bénédiction
accordée par les « telectuels » en vogue depuis 25 ans, discours du
racisme de classe. Mais par ailleurs ils se trompent ceux qui parlent de
fascisme à propos des remarques de HRP, ou de Mindruța et de tant d’autres. Le fascisme
est fondamentalement ethniciste et raciste, et leur discours ne l’est pas. Je
ne les ai jamais entendu critiquer le libéralisme de chantage de l’UDMR, la
politique des riches propriétaires ou entrepreneurs hongrois, la politique des
banques hongroises en Transylvanie, les rétrocessions scandaleuses accordées à
d’anciennes institutions ou personnalités magyares, comme le Palais Bánffy de
Cluj qui abritait le musée des beaux-arts de Cluj. C’est comme si lors de la
restauration en France après Napoléon, Louis XVIII avait redonné tous les
Palais aux anciennes familles nobles, la monarchie les dédommagea avec ce qui
se nomma le « milliard des émigrés ». Ni la Hongrie ni la République
tchèque n’ont osé une telle politique de dépossession des valeurs immobilières devenue
dorénavant patrimoine de la nation.
Le discours de haine s’est généralisé contre les personnes
âgées vivant de maigres pensions, contre les gens pauvres des villages, des
petites villes, des quartiers laissés à l’abandon des grandes villes, contre les
expulsés obligés de vivre dans la rue, et son complément, la haine déversées
sur les jeunes gens qui ont pris conscience que plus de 50% de la population
roumaine ne mange pas à sa faim, de tels discours ne sont rien d’autre que des
discours de classe qui distillent cette haine bien connue de la bourgeoisie et
de ses affidés pour les classes dangereuses. Lisant les propos de HRP, ceux
d’inliniadreapta, de Tismaneanu et de bien d’autres coryphées du libéralisme
économique le plus dur (coryphées qui sont pour la plupart des fonctionnaires
ou des employés émargeant à de l’argent public ou semi-public) je crois
entendre les paroles des Versaillais prêts à en découdre avec les Communards et
les exterminer tous, ce qu’ils firent sans état d’âme.
Toutefois, ce qui donne un ton singulier à ce discours en
Roumanie c’est qu’il est tenu non par ceux-là qui pourraient encore survivre de
la vieille aristocratie roumaine, par un Paléologue par exemple dont j’apprécie
le style distingué et quelque peu hautain. Ce discours de haine de classe est
tenu par les parvenus du postcommunisme qui étaient pour la plupart soit les
privilégiés des années ceausistes soit les enfants de ces privilégiés. Les
anciennes-nouvelles élites, les « ciocoi noi » postmodernes, ceux
dont les grands-parents avaient vécu aux culs des vaches et que le régime
communiste avait promus en priorité (les bons dossiers), ceux dont les parents
ne se sont pas signalés comme des dissidents armés d’un indomptable courage,
mais qui s’étaient comportés plutôt comme des bonnes âmes tranquilles dans leur
lâcheté, obéissants et soumis aux diktats du PCR, ceux qui faisaient de la
résistance dans leur chambre à coucher sous la couverture ou dans la cuisine
entre la ciorba et la tocanita, ou encore par ces dissidents avec des bourses
d’études en République fédérale allemande et qui écrivaient des lettres d’une obséquieuse
domesticité pour demander pardon au chef quand par hasard ils avaient pris
quelque liberté avec la ligne culturelle officielle, ceux qui obtinrent leurs
diplômes en Roumanie communiste et qui, après décembre 1989, hurlèrent que la
Roumanie communiste n’avait été qu’un désert culturel. S’ils avaient été
honnêtes avec leur discours, ils eussent dû recommencer leurs études et
repasser leurs diplômes à l’étranger, dans des universités dont la qualité est
reconnue depuis des siècles parfois. On mesure donc toute la fausseté de ces
gens qui appellent à la haine de classe parce qu’ils ont de fait une peur
panique qu’une jeune génération qui n’a pas connu le communisme et pour qui le
pays se résume présentement à « No Future » en dehors de
l’émigration, leur disent publiquement : « Vous êtes des
imposteurs, partez ! Le roi est nu, il n’y a en principe rien qui le
puisse protéger de la colère populaire ». On le sait depuis Freud, on ne
peut produire de la dénégation en permanence, un jour le retour du refoulé
sonne, et alors, parfois, cela fait mal.
Claude Karnoouh
Bucuresti 25 novembre 2014
Vous avez écrit: "Toutefois, ce qui donne un ton singulier à ce discours en Roumanie c’est qu’il est tenu non par ceux-là qui pourraient encore survivre de la vieille aristocratie roumaine, par un Paléologue par exemple dont j’apprécie le style distingué et quelque peu hautain."
RépondreSupprimerPaloeologu ha une posture cynique et réactionnaire, je me rappelle surtout son discours après la mort de Dominique Venner, ex-membre de l'Organisation armée secrète... Paleologu, sur Facebook, appréciait Venner et invitait ses amis à réfléchir à l'importance de "réveiller les consciences assoupies". Paleologu ne mentionnait pas le combat de Venner pour l’Algérie Française.
Et moi je déteste le style hautain.