mardi 25 novembre 2014

Après le cirque électoral la réalité politique revient au grand galop

Après le cirque électoral la réalité politique revient au grand galop

La valse des pantins a donné ses résultats, Johannis a gagné le concours du plus sexy des présidentiables… D’un côté une caricature de Mickey Mouse, de l’autre un Schwarzenegger de province plus proche d’une publicité pour une pâte dentifrice que de Monsieur Muscle-Terminator et ancien gouverneur de la Californie. Enfin, chaque pays produit le matériel humain qu’il peut et non ce qu’il prétend vouloir. Les Français ont donné au monde un autre pantin, Hollande-Flamby, ce n’est pas très glorieux car nous ne sommes plus très glorieux. De toutes les manières cela n’a qu’une importance très relative en ce que la Roumanie est devenue après décembre 89 une colonie de Washington et de Bruxelles, sa politique est désormais déterminée par le département d’État et le FMI pour les grands choix politico-économiques et par Bruxelles pour la gendarmerie quotidienne.
En revanche, ce qui ressort à présent sous la lumière la plus crue et la plus violente, c’est le discours de pseudo-élites, ce que je nomme la lumpen intelligentsia, un discours libéré grâce à la bénédiction accordée par les « telectuels » en vogue depuis 25 ans, discours du racisme de classe. Mais par ailleurs ils se trompent ceux qui parlent de fascisme à propos des remarques de HRP, ou de Mindruța et de tant d’autres. Le fascisme est fondamentalement ethniciste et raciste, et leur discours ne l’est pas. Je ne les ai jamais entendu critiquer le libéralisme de chantage de l’UDMR, la politique des riches propriétaires ou entrepreneurs hongrois, la politique des banques hongroises en Transylvanie, les rétrocessions scandaleuses accordées à d’anciennes institutions ou personnalités magyares, comme le Palais Bánffy de Cluj qui abritait le musée des beaux-arts de Cluj. C’est comme si lors de la restauration en France après Napoléon, Louis XVIII avait redonné tous les Palais aux anciennes familles nobles, la monarchie les dédommagea avec ce qui se nomma le « milliard des émigrés ». Ni la Hongrie ni la République tchèque n’ont osé une telle politique de dépossession des valeurs immobilières devenue dorénavant patrimoine de la nation.
Le discours de haine s’est généralisé contre les personnes âgées vivant de maigres pensions, contre les gens pauvres des villages, des petites villes, des quartiers laissés à l’abandon des grandes villes, contre les expulsés obligés de vivre dans la rue, et son complément, la haine déversées sur les jeunes gens qui ont pris conscience que plus de 50% de la population roumaine ne mange pas à sa faim, de tels discours ne sont rien d’autre que des discours de classe qui distillent cette haine bien connue de la bourgeoisie et de ses affidés pour les classes dangereuses. Lisant les propos de HRP, ceux d’inliniadreapta, de Tismaneanu et de bien d’autres coryphées du libéralisme économique le plus dur (coryphées qui sont pour la plupart des fonctionnaires ou des employés émargeant à de l’argent public ou semi-public) je crois entendre les paroles des Versaillais prêts à en découdre avec les Communards et les exterminer tous, ce qu’ils firent sans état d’âme.
Toutefois, ce qui donne un ton singulier à ce discours en Roumanie c’est qu’il est tenu non par ceux-là qui pourraient encore survivre de la vieille aristocratie roumaine, par un Paléologue par exemple dont j’apprécie le style distingué et quelque peu hautain. Ce discours de haine de classe est tenu par les parvenus du postcommunisme qui étaient pour la plupart soit les privilégiés des années ceausistes soit les enfants de ces privilégiés. Les anciennes-nouvelles élites, les « ciocoi noi » postmodernes, ceux dont les grands-parents avaient vécu aux culs des vaches et que le régime communiste avait promus en priorité (les bons dossiers), ceux dont les parents ne se sont pas signalés comme des dissidents armés d’un indomptable courage, mais qui s’étaient comportés plutôt comme des bonnes âmes tranquilles dans leur lâcheté, obéissants et soumis aux diktats du PCR, ceux qui faisaient de la résistance dans leur chambre à coucher sous la couverture ou dans la cuisine entre la ciorba et la tocanita, ou encore par ces dissidents avec des bourses d’études en République fédérale allemande et qui écrivaient des lettres d’une obséquieuse domesticité pour demander pardon au chef quand par hasard ils avaient pris quelque liberté avec la ligne culturelle officielle, ceux qui obtinrent leurs diplômes en Roumanie communiste et qui, après décembre 1989, hurlèrent que la Roumanie communiste n’avait été qu’un désert culturel. S’ils avaient été honnêtes avec leur discours, ils eussent dû recommencer leurs études et repasser leurs diplômes à l’étranger, dans des universités dont la qualité est reconnue depuis des siècles parfois. On mesure donc toute la fausseté de ces gens qui appellent à la haine de classe parce qu’ils ont de fait une peur panique qu’une jeune génération qui n’a pas connu le communisme et pour qui le pays se résume présentement à « No Future » en dehors de l’émigration, leur disent publiquement : « Vous êtes des imposteurs, partez ! Le roi est nu, il n’y a en principe rien qui le puisse protéger de la colère populaire ». On le sait depuis Freud, on ne peut produire de la dénégation en permanence, un jour le retour du refoulé sonne, et alors, parfois, cela fait mal.
Claude Karnoouh
Bucuresti 25 novembre 2014


1 commentaire:

  1. Vous avez écrit: "Toutefois, ce qui donne un ton singulier à ce discours en Roumanie c’est qu’il est tenu non par ceux-là qui pourraient encore survivre de la vieille aristocratie roumaine, par un Paléologue par exemple dont j’apprécie le style distingué et quelque peu hautain."

    Paloeologu ha une posture cynique et réactionnaire, je me rappelle surtout son discours après la mort de Dominique Venner, ex-membre de l'Organisation armée secrète... Paleologu, sur Facebook, appréciait Venner et invitait ses amis à réfléchir à l'importance de "réveiller les consciences assoupies". Paleologu ne mentionnait pas le combat de Venner pour l’Algérie Française.
    Et moi je déteste le style hautain.

    RépondreSupprimer