Les monstrueux attentats de Paris sont les fruits des
enfants de l’Occident
Au moment où l’attentat de Paris dans les locaux du comité
de rédaction de la Revue Charlie Hebdo coutait la vie à 12 personnes, dessinateurs,
journalistes, éditorialistes, deux policiers et un homme du service de
nettoyage, 140 enfants d’une écoles d’Islamabad était occis par une opération
des djihadistes pakistanais, tandis que deux jours après, environ 2000 personnes
étaient assassinées dans le Nord du Nigeria par le groupe islamiste radical
Boko Aram. Ces crimes là n’émurent personne dans la masse des politiciens
européens. Comme l’a rappelé pour une fois avec bon sens le président Hollande
lors du discours tenu le 12 janvier 2015 à l’Institut du monde arabe de
Paris : « Ce sont les musulmans qui paient le plus lourd tribu
aux divers groupes djihadistes et autres islamistes extrêmes. » Certes la
mort de 12 journalistes de la rédaction d’un magasine « irresponsable »
comme il se définit lui-même, aux caricatures extrêmes, a fait horreur à une
fraction de la population française qui s’est crûe plongée dans une sorte
d’apocalypse, engendrant chez beaucoup une peur panique incontrôlée comme je
l’ai pu constater chez mes voisins de palier avant de quitter Paris. Toutefois,
comme l’observait l’économiste Frédéric Lordon (directeur de recherche au
Centre national de la recherche scientifique) dans Le Monde diplomatique,
lorsque l’on se donnait la peine d’observer la composition des divers cortèges
de manifestants du 11 janvier, on n’y voyait presque pas d’ouvrier ou de petits
employés parmi les dizaines de milliers de personnes qui battaient le pavé
portant la pancarte « Je suis Charlie ». Selon Lordon on avait assisté
là à la plus grande manifestation de bobos et de semi-bobos française. Et cette
affirmations et corroborée par une enquête de l’IFOP du 15 janvier 2015 :
« En premier lieu, une forte disparité régionale
apparaît : le taux de participation des citoyens aux manifestations
« Je suis Charlie » atteint 71 % à Grenoble ou Rodez (ville
essentiellement universitaire et de cadres de technopole pour la première, de
retraités aisés pour la seconde), mais tombe à 3 % au Havre ou à
Henin-Beaumont (ville ouvrière où le taux de chômage dépasse les 20% de la
population active, et plus de 50% pour les jeunes adultes) ».[1]
On remarquera sur la carte ci-jointe la faible mobilisation de ville comme
Lille, Marseille, Montpellier, Nîmes, Bézier, Narbonne, voire de Toulouse et
même de Nantes Et oui ! Les ouvriers, les
modestes salariés, en bref, les gens de peu ne sont pas sentis concernés par
cet attentat commis dans une revue non seulement en quasi faillite (ce dont
tout le monde n’avait cure), mais essentiellement, dans une revue à la verve hautement
et grassement scatologique et pornographique qui n’amusait que les bobos
postmodernes, autant de gens ayant abandonné toute transcendance religieuse ou
laïque, et pis, toute volonté d’aider par l’humour au « vivre
ensemble ». Pour ces « irresponsables » le seul Dieu qui
manifeste sa mansuétude n’est autre que leur présence permanente dans les
médias main stream et dans les
mondanités politiciennes, afin d’en recueillir les avantages éditoriaux et financiers
personnels qui en découlent. Absents tout autant des cortèges ou presque, non
seulement les émigrés de confession mahométane offensés par la dernière
couverture post mortem, mais, et de
manière plus générale, les émigrés de couleurs fussent-ils catholiques,
protestants, orthodoxes, bouddhistes, hindouistes, Sikhs ou païens. D’aucun le
savent, ces gens, peut-être encore archaïques, n’apprécient guère le blasphème,
y compris celui qui vise la religion du voisin. C’est cela qui m’avait beaucoup
surpris lorsque j’enseignais au Liban. Au moment de la première publication des
caricatures de Mahomet dans des revues occidentales, outre, comme il se doit, les
musulmans sunnites ou chiites, mais encore les divers chrétiens avaient manifesté
leur réprobation pour ce qu’ils considéraient comme un blasphème insigne. Quand
il y a du sacré, il fonctionne pour toutes les religions du Livre puisque ce
sacré là est au fondement commun de leur Dieu unique.
Toutefois, au-delà de la compassion raisonnable qu’il
convient de manifester aux victimes, il faut simultanément relever le caractère
purement occidental de cette manifestation. Si, comme l’a dit et redit le
président Hollande, à ce moment précis
Paris était le centre du monde, encore faut-il préciser, le centre du monde
occidental, européen en dépit que quelques chefs d’État venus de pays
croupions, de pays semi-coloniaux, invités pour la convenance à saupoudrer d’un
zest d’exotisme le spectacle de la contrition européenne. Les chefs d’État des
grands pays du tiers-monde ou des BRICS n’avaient pas daigné faire le
déplacement, donc point de Chinois, de Brésiliens, d’Argentins, de Mexicains,
d’Indiens, de Russes (sauf le ministre des Affaires étrangères Lavrov qui
quitta très vite le cortège pour aller prier à l’église russe), encore moins de
Pakistanais, de Vietnamiens, de Japonais. Le monde occidental et quelques uns
de ses alliés orientaux s’auto-congratulaient pour célébrer la liberté
d’expression, la lutte pour les valeurs républicaines (lesquelles ? Quand la
France produit 3500 chômeurs par jour, et l’Arabie saoudite présente qui
applique la Charia en décapitant le même jour une femme sur la voie publique !),
oubliant l’espace d’un très court instant sa responsabilité dans la dérive
criminelle de deux djihadistes français d’origine algérienne et le lendemain de
celle d’un noir chrétien converti à l’islam…
Voilà une fort belle manière trouvée par l’Occident pour refouler
sa responsabilité et ce d’autant plus que pendant des années la norme inscrite
dans le discours démagogique des bourgeois-bohèmes français (bobos socialistes
ou UMP-istes) se nommait : le droit à la différence. De fait le droit démagogique
à la non-intégration socio-culturelle, autrement dit la rupture d’avec la
vieille tradition jacobine de l’intégration à l’unité nationale par l’éducation
civique et l’enseignement. Ainsi pendant plus de trente-cinq ans les bobos post-soixante-huitards
au pouvoir (PS, UMP, Trotskistes, etc.) achetèrent à bon marché, que dis-je à
très bon marché, la paix sociale dans les banlieues : un rap insipide et
faussement contestataire, des graffitis tout aussi insignifiants et péniblement
stupides, une pseudo-culture alternative, celle de l’antiracisme de pacotille, spectaculaire
et marchandisé, tout cela faisaient accroire les laissés-pour-compte du
développement à leur accomplissement dans le socius de la société du spectacle.
De fait, il s’agissait d’une ghettoïsation socialement insidieuse et
politiquement perverse : l’occultation de la lutte de classe remplacée par
de la moraline sociale dont l’énoncé emblématique se dit dans le slogan de SOS
racisme « Touche pas à mon pote ». Le réel c’eût été de
proclamer : « Touche pas à mon sous-prolétaire !!! » Tant
que l’économie marchait ces maquillages et ces faux-semblants refoulaient le
réel en différant sa manifestation tangible, mais le réel refoulé est, plus ou
moins vite, toujours de retour, tant pour l’économie que pour le sexe. La
réalité de la crise économique arriva donc avec d’autant plus de férocité que
les libéraux-libertaires pratiquent un darwinisme socio-économique sans merci,
et plus que la crise s’intensifiait plus, de manière concomitante, l’État
perdait des pans entiers de sa souveraineté et donc de sa capacité de
protection. Le chômage croissait et croît toujours sans fin prévisible (c’est ici
l’échec patent et sans rémission du mid-term
de Hollande sur la réduction du chômage), l’éducation nationale sombrait et
sombre de plus en plus dans un sentimentalisme de midinettes psychologisantes promoteur
de l’analphabétisme généralisé. Dans les cités-béton des banlieues qui
enserrent Paris et autres grande conurbation françaises, les aspirations des adolescents
et des jeunes adultes n’avaient rencontré aucun futur (No future) sauf, celui des désirs de consommation inassouvis et
frustrés dans la contemplation des rayons des supermarchés et des publicités télévisées.
Après les révoltes sauvages des banlieues du milieu des années 2000 où seul
Badiou discernait un ferment révolutionnaire en posant ses rêves à la place de
la réalité, certains jeunes trouvèrent des moyens délictueux pour vivre confortablement :
trafic de drogue, pillages d’entrepôts, recel et prostitution qui laissaient
d’excellents bénéfices, mais qui étaient aux antipodes de toute action
politique. Cependant, les effets de la crise étaient bien plus profonds, et
laissaient des masses de jeunes démunis sans aucun avenir, pas même celui du
recel. C’est à ce moment là que la guerre civile en Syrie se présenta comme une
sorte d’exutoire, comme un idéal sacrificiel qui donnait l’illusion de lutter, au
nom d’un Dieu retrouvé pour beaucoup, contre une dictature où d’aucuns pensaient
trouver gloire et honneur en participant à une guerre que les stratèges
occidentaux avaient présenté comme la lutte du bien contre le mal, mais ces
derniers avec l’arrière-pensées de dépecer le Moyen-Orient en y maintenant un
chaos de basse intensité (Brezinski). Ces départs de jeunes musulmans de souche
ou de convertis étaient conçus par les politiciens comme un bon moyen d’éloigner
des éléments parmi les plus radicaux de la jeunesse des banlieues. Rappelons-le,
il n’y a guère, le ministre de l’Intérieur, l’ineffable Cazeneuve, proclamait
le 5 août 2014 sur les ondes de RTL (Radio Luxembourg) : « Ce n’est
pas un délit de prôner le djihad ». Mieux encore, un autre ineffable
personnage de la sphère politique française, le sinistre ministre des Affaires
étrangères, Laurent Fabius, pouvait, sans être l’objet d’aucun dessin humoristique de la part de Charlie Hebdo,
affirmer dans Le Monde, journal on ne peut plus conformiste : « Jabhat
al Nosraj (un groupe d’islamistes radicaux) font un bon boulot sur le terrain
de Syrie » (13 décembre 2012). Si ce n’est pas une approbation du
terrorisme par les hautes instances de l’Etat, alors je ne comprends plus ma
langue maternelle ! De fait environ 3000 jeunes français dont des
chrétiens convertis à l’islam sont partis faire le djihad en Syrie sans
que les autorités françaises ne s’en émeuvent outre mesure jusqu’à ce jour
fatal du 7 janvier 2015 ! Cela devrait donner à réfléchir ! De plus et
depuis longtemps ces jeunes étaient les témoins télévisuels des sempiternels
massacres de Palestiniens par l’armée israélienne, puis des dégâts collatéraux en
Afghanistan, Irak, Lybie, Syrie, Yémen, Pakistan, Afrique sub-saharienne, sans
que jamais l’on ne sache précisément pour qui ou contre qui travaillent les groupes terroristes, car le Cui bono ? patauge dans la pire des
confusions analytiques et politiques : d’un côté la France défend les
djihadistes de Syrie, mais lutte contre ceux du Nord-Mali ; les États-Unis
se sont servit des djihadistes sous le nom de Talibans en Afghanistan contre
les Soviétiques puis se sont retournés contre eux quand ils n’ont plus servi et
surtout quand ils voulurent gouverner pour leur propre compte ; les
Français ont massivement soutenus les djihadistes de Benghazi contre le Colonel
Kadhafi, et tous ensembles, Américains, Français, Anglais et Israéliens les emploient
en masse en Syrie pour tenter d’éliminer la dictature laïque de Bashar el
Assad. En portant la guerre dans tout le Moyen-Orient, dans tout le monde arabo-musulman
et arabo-chrétien pour bien verrouiller le contrôle de ses voies de
communication maritime et terrestres, et ses ressources énergétiques,
l’Occident a déclenché une guerre généralisée avec des ramifications dans les
pays où l’immigration musulmane venue d’Afrique est très importante en raison
d’un vieux passé colonial qui n’a pas été lui non plus exempt de massacres atroces.
De fait comme l’a parfaitement relevé un commentateur
anglo-saxon dans The Independent et
traduit dans Le Monde du 14 janvier 2015, Patrick Cockburn, spécialiste
reconnu du djihad, « A force de déstabiliser le Proche et Moyen Orient par
des opérations militaire, l’Occident a crée des foyers d’anarchie violente qui
ont engendré des monstres »… Comme dans un film de science fiction,
l’homme occidental, celui de la raison raisonnante, a transformé le
Moyen-Orient en une sorte de laboratoire du chaos contrôlé afin d’étendre plus
encore sa domination mondiale sur les matières premières énergétiques et, ce
faisant, les créatures qu’il y a fabriqué lui ont largement échappé, se
transformant, avec l’aide de certains services, en monstres qui veulent
maintenant mettre à feu et à sang les sociétés qui leur ont donné naissance et les
ont un temps sponsorisés. C’est en fin de compte chez nous que la cause profonde
du mal est à trouver et donc à guérir s’il en est encore temps. Car toujours selon
une remarque fort pertinente de Cockburn que j’engage le lecteur à
méditer : « […] l’Europe ne peut espérer échapper aux conséquences
des conflits qui submergent le Moyen-Orient ». Le chaos est aussi pour nos
pays aux climats plus tempérés car « celui qui sème le vent récolte la
tempête. » comme le dit si clairement un proverbe français.
Cet attentat parisien avec toutes les incohérences
officielles dont nous sommes abreuvés, tant celles qui concernent les divers
parcours des auteurs du crime que les circonstances de leur encerclement et de
leur exécution, ne doivent pas nous faire oublier la situation objective dans
laquelle nous nous trouvons. A la question Cui
bono ?, il est assuré que les trois séquences criminelles parisiennes (Charlie
Hebdo, Montrouge et l’hypermarché kasher) n’avantagent nullement les diverses communautés
musulmanes vivants en France, à l’inverse, elles ont engendré une vague de
violences antimusulmanes sans précédent (était-cela qui était au bout du compte
recherché ? alors il faut chercher les vrais commanditaires de ces
crimes !). En revanche, avec l’aide de l’hystérie médiatique main stream, elles ont semé la panique
parmi les personnes qui se reconnaissent dans la communauté juive et, de
manière plus générale, dans la diversité de la population française. Mais ces
trois séquences ont permis, sans la contestation ou presque de la sphère
politicienne, y compris de l’extrême gauche, de renforcer le pouvoir de censure,
le pouvoir de contrôle policier et judiciaire du gouvernement et du Président sur
l’ensemble de la population. Quand on songe qu’au début du mois de janvier 2015,
François Hollande et Manuel Valls étaient en totale déconfiture, méprisés par
une écrasante majorité du peuple français, on reconnaîtra au moins un talent au
président de la République, celui d’avoir su utiliser des événements,
espérons-le inattendus pour lui, afin se construire une nouvelle aura
politique.
Claude Karnoouh
Bucarest le 23 janvier 2015
[1]
Marche républicaine
« pour Charlie » : des disparités de mobilisation lourdes de
sens, Ifop (Institut français de l’opinion publique) Focus n°121, Janvier 2015.
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