Politique
et économie chez Saint Thomas d’Aquin : quelques remarques en marge du De Regno*
S’il
est chose notable dans le renouveau des recherches humanistes en Roumanie
postcommuniste, il faut alors convenir que l’intérêt pour la philosophie
médiévale des théologiens latins fait partie non seulement de ce renouveau,
mais que les traductions d’un certain nombre de textes majeurs apparaissent
dorénavant comme autant d’authentiques innovations dans l’histoire culturelle
roumaine. Cependant, malgré les commentaires que ces textes suscitent, d’aucuns
savent qu’un début ne permet pas d’aborder tous les sujets, les forces vives
manquent. De plus, la philosophie médiévale n’apparaît pas aux esprits simples,
ou, à ceux, plus nombreux, agités par les bruits parasites du présent, comme
une urgence. Ceux, parmi les jeunes et les moins jeunes universitaires, qui
confondent la vocation professorale avec la possession d’un téléphone portable
et non avec la patience exigée par l’apprentissage toujours délicat des décours
de la pensée, ceux qui s’abusent dans l’excitation glaciaire de la
« postmodernité » et oublient la prudence exigée par la méditation,
devraient comprendre – mais le peuvent-ils encore ? – que l’Europe
occidentale est ce qu’elle est dans sa présence hic et nunc, parce que, d’une manière ou d’une autre, la
philosophie médiévale, à un moment ou à un autre, soit par adhésion à son
propos (thomisme et néo-thomisme) soit par rejet (les Réformes et leurs
diverses facettes) soit par négation (les divers types d’agnosticisme), a
engendré cette l’Europe moderne qui est la nôtre. Dès lors, si rien ne peut
jamais être réactualisé comme expérience de vie (l’histoire ne ressert jamais
deux fois la même soupe), il serait néanmoins sage d’envisager ces lectures et
relectures des ouvrages de philosophie médiévale – qu’il conviendrait de
compléter par des leçons d’histoire – comme une expérience irremplaçable
de la pensée.
Il semble que les jeunes gens et jeunes filles
qui se sont spécialisés dans ce domaine ardu et redoutable du savoir européen,
s’en tiennent pour le moment à l’explicitation en roumain – cet aspect
linguistique est fondateur et essentiel – des thèmes métaphysiques
soulevés par ces théologies philosophiques ou de ces philosophies
théologiques : l’essence, l’éternité ou non du ou des mondes et la
Création, la négation de la Providence, le statut des anges, le créé, l’incréé,
le Créateur, les catégories analytiques grecques dans leur traduction latine
(homologie ou homonymie du sens), le nominalisme et/ou le réalisme, l’unicité
de l’intellect, la négation ou l’affirmation de la liberté humaine, le statut
de l’aristotélisme, le rapport à l’héritage platonicien, à celui de
l’augustinisme. Il y a là une richesse de thématiques qui ne s’épuisera pas en
quelques années.
Rien
que de hautement légitime en tout cela. Cependant, les scolastes ne se
laissèrent pas enfermer dans les seuls débats logico-métaphysiques ou
logico-théologiques, ils furent aussi des penseurs qui, une fois formulés les
principes premiers et les fins dernières organisant et dirigeant la communauté
des hommes, ont aussi observés le monde dans lequel ils vivaient pour, chacun
en sa guise, essayer de formuler, mais aussi de formaliser des modèles d’action
afin de construire le futur tel qu’ils pensaient en avoir trouvé la forme, le
contenu et le sens ultime dans une herméneutique des desseins divins. Afin de
prévenir les crises et tenter de les résoudre, c’est-à-dire, afin d’obvier aux
dysfonctions socio-politiques d’une ampleur telle qu’elles eussent pu, à tout
moment, entraîner la papauté, des royaumes, des principautés, des duchés à leur
ruine, ils proposaient des solutions pratiques en harmonie avec les principes
premiers et les fins dernières d’une pensée éclairant le devenir sur la fond
initial de la Révélation chrétienne.
C’est
cette dimension politique, économique et sociale qui est pour le moment
largement délaissée par nos jeunes collègues roumains, car la richesse
exubérante de la pensée médiévale est telle qu’elle ne peut être exploitées
simultanément par quelques uns et ce d’autant plus qu’ils n’ont pas, en
Roumanie, le soutient d’une puissante école d’histoire de la pensée du
Moyen-âge occidental s’appuyant sur une ancienne tradition universitaire. Car
en toute chose entreprise avec sérieux, il convient de se garder de la
précipitation, des raccourcis faciles, des énoncés spectaculaires, mais creux
qui, un peu partout, malheureusement fleurissent sans vergogne en ses temps de
transition. Cependant, ici, en Roumanie, et pour la première fois avec cette
ampleur, le développement des études de philosophie médiévale (je ne parle pas
de théologie que je laisse aux facultés du même nom[1]) permet, une
fois encore, de mettre à jour l’idéologie que la Renaissance, dès Pétrarque, a
léguée à la métaphysique moderne, aux Lumières, et au-delà, à ses
développements modernes et postmodernes, celle qui renvoie le Moyen-Âge aux
ténèbres de la barbarie ![2] Toutefois, pour
ne pas tomber dans l’anachronisme trompeur, il faut préciser que la notion de
barbarie a changé de sens entre Pétrarque et les Lumières : pour le
premier la barbarie était moderne, sous la forme de la scolastique et du
« gothique » opposée aux valeurs défendues par les penseurs païens de
l’Antiquité ; pour les penseurs des Lumières la barbarie est tout aussi
« gothique », mais cette fois parce qu’elle était archaïque,
abandonnée par la métaphysique moderne qui donna son fond ontologique à la
science.
Néanmoins,
s’il y a eu une renaissance de l’Europe occidentale et de l’Europe catholique,
c’est bien au Moyen-âge qu’elle commença avec des penseurs comme Abélard, mais
aussi avec des princes comme Frédéric de Hohenstauffen et sa cours d’érudits et
de traducteurs. Ce qui manque à la Roumanie du point de vue des études
médiévales occidentales, ce sont des historiens compétents qui en connaîtraient
parfaitement les sources afin d’offrir des cours rappelant aux philosophes la
très complexe histoire du Moyen-âge. En effet, c’est pendant le décours de
quatre siècles, XIIe, XIIIe, XIVe et XVe, que des événements ont préparé,
engendré, déployé la plupart des facteurs intellectuels et des pratiques, des
institutions et des formes politiques qui ont fait de la modernité une
possibilité réalisée. C’est durant ces siècles que se sont forgées, par
exemple, les réflexions décisives sur la souveraineté, la légitimité, la source
du droit des gens, la naissance du droit international, mais aussi celle de la
démocratie urbaine, véritable origine (et non la démocratie grecque) de notre
démocratie moderne ; et, last but
not least, c’est durant cette période que des clercs tel Marsile de Padoue
(Defensor pacii) ont repensé les
relations entre les groupes sociaux urbains et ruraux et le pouvoir politique,
et ont développé les premières théories de la laïcisation du pouvoir politique,
du contrat social et de la séparation des pouvoirs. C’est de ce monde que
l’Europe occidentale porte encore héritage, dût-il aujourd’hui toucher à sa
fin, après avoir épuisé ses possibles.
Si
donc j’insiste à nouveau sur cet aspect politico-social, c’est que son rappel
me paraît décisif à une intelligence de l’Occident européen. Dès lors que la
Roumanie souhaite présentement entrer dans l’Union européenne, il faut que ses
futures élites sachent, ne serait-ce que partiellement, quel est l’héritage spirituel
dont cet Union témoigne. Car, ni les incantations et les slogans répétés à
satiété par des journalistes ignorants ni les grimoires des demi-savants de
pseudo-sciences nommées politiques en quête de gloire médiatique ou de pouvoir
universitaire, ni la politique spectacle offerte par des politiciens en mal
d’imagination et de culture, ne peuvent remplacer le poids de la connaissance
et de l’analyse des concepts, des notions, des représentations, des théories,
– les Arts libéraux eut-on
dit au Moyen-âge –, qui se sont forgés au cours du temps, ni se substituer
à leur réel apprentissage, en bref à l’authentique humilité qui doit présider à
toute initiation lorsqu’il s’agit de comprendre et d’interpréter des manières
de penser devenue extrêmement éloignées de toutes nos expériences. Voilà
pourquoi il faut que la Roumanie crée cette école de médiévistes (de
philosophes et d’historiens) qui sortira enfin son historiographie d’un
provincialisme certes souvent érudit, mais à l’horizon interprétatif bien
étroit. Il faudra bien qu’un jour que des philosophes et des historiens
roumains du Moyen-âge occidental participent de plein droit à des colloques
pour y apporter leur contribution, et non y venir pour donner quelques
précisions marginales – quelques friandises intellectuelles – sur ce
qui se passait aux marges de la catholicité, aux limites extrêmes de la
Transylvanie. La vie intellectuelle, politique et économique du Moyen-âge
latin, sa philosophie, son enseignement, ses débats et ses conflits se sont déployés
à l’intérieur d’un quadrilatère qui va de la Catalogne à l’Italie centrale, à
l’Allemagne occidentale et centrale, jusqu’aux confins polonais de Cracovie, du
sud de l’Angleterre, à la France de Paris à Auxerre et jusqu’à Montpellier. Que
cela plaise ou non aux protochronistes[3], c’est ainsi,
et nous n’y pouvons rien. C’est une géographie spirituelle et politique qui
s’est tracée ainsi et au cœur de laquelle il convient de nous placer quand on
travaille sur les origines de la modernité.
Mais
que vient donc faire parmi vous un non-spécialiste de Saint Thomas ?
Pourquoi participe-t-il aux travaux de cette société savante aux activités
dévolues aux commentaires des œuvres du grand scolaste et à celles de ses
pairs ? De fait, pourquoi a-t-il accepté l’invitation d’un de ses jeunes
collègues, mais déjà distingué savant en affaires de philosophies
médiévales ? La raison pourrait en être la vanité et il n’en est pas
dépourvu, mais ni plus ni moins que d’autres universitaires.
Toutefois
quelque chose de plus (ou de moins) que la seule vanité m’a poussé à oser ce
pas. J’ai souhaité soumettre au jugement de mes pairs (fussent-ils de jeunes
pairs) une lecture de saint Thomas qui depuis quelques années fait l’objet
d’une partie du cours de philosophie politique et sociale que je délivre à
l’université Babes-Bolyai de Cluj… En effet, personne ne me déniera l’intérêt
que, de longue date, j’ai montré pour l’histoire de la pensée politique et
économique dans ses rapports aux pratiques effectives. Si j’ai accepté
l‘invitation qui me fut aimablement proposée, c’est que j’ai quelque peu
réfléchi aux intentions de saint Thomas lorsqu’il proposa son modèle idéal
socio-politique comme ligne de défense à l’encontre d’une menace visant
l’essence de la chrétienté, l’unique et indiscutable détermination divine du
monde. Or cette menace venait du développement d’une nouvelle économie de
l’échange qui n’avait pas encore de nom, mais qui déjà bouleversait les
conceptions, les notions et les concepts que les élites de cette époque avaient
du temps, de l’argent, de l’espace, de la souveraineté, du pouvoir,
c’est-à-dire les conceptions du politique, et donc de l’éthique, et, par-delà,
du devenir. C’est de la peur de ce qui, plus tard, se nommerait le capitalisme,
et de la tentative d’en conjurer l’advenue par un modèle
théo-onto-logico-politique dont je souhaiterais vous entretenir, sans
outrepasser les limites de mes compétences, mais surtout celles de votre
patience.
Le monde comme horizon de sens de la
Révélation et du Salut
Le
modèle politique de la société idéale selon saint Thomas est exposé dans un
opuscule De Regno (1265-1267)[4] écrit pour le
jeune Hugues II de Lusignan, roi de Chypre depuis le berceau jusqu’à sa mort à
15 ans en 1267. Dans le droit fil de la conception à la fois logique et
politique d’Aristote, Thomas assume que le Tout est plus important que les
parties qui le composent, et donc que le Royaume terrestre du prince l’est plus
que l’une quelconque de ses fractions sociales. Toutefois, le royaume terrestre
du Prince n’est, à son tour, qu’une partie du royaume engendré par la Création
divine. De fait Thomas transforme l’origine première de la Cité
aristotélicienne dans la nature, en une nouvelle origine première qui provient
de la création divine, tant et si bien qu’on peut dire du travail de Thomas
qu’il vise à accorder Aristote à la révélation en plaçant la factualité
naturelle de la vie en communauté de l’homme (l’homme étant par nature un
animal social) dans une nature engendrée par la création. Dès lors la raison
première et la fin ultime de l’institution du royaume terrestre doit être
cherchée dans l’institution du monde. On peut donc résumer brièvement la
politique thomiste comme une théologie créationniste et, dans ce cadre,
remarquer qu’elle vise à donner au dogme de la création le fond de la doctrine
et de la logique aristotéliciennes. Du point de vue du fondement de la
philosophie politique il n’y a donc rien de véritablement nouveau chez Thomas
sauf que le naturalisme aristotélicien trouvant sa nouvelle conformation et
confirmation dans les Écritures, la nature est à présent subordonnée à la
création divine. C’est pourquoi il convient, dès maintenant, de remarquer
combien toute conception moderne du politique est, en son essence,
anti-thomiste, non seulement parce qu’elle trouve sa légitimité dans la société
civile en tant que totalité, mais précisément parce que, grâce au contrat,
cette totalité s’établit et se fonde soit contre la nature soit contre le Dieu
créateur de la nature (cf. la notion de contrat tant chez Hobbes que chez
Rousseau).
En
résumé on peut dire que Thomas adopte comme axiomatique politique le point de
vue de la fin, et qu’ainsi, toute action positive accordée au bon gouvernement
sera celle qui ouvre, par sa pratique, le chemin qui mène au Salut. Le bon
gouvernement s’identifie donc au gouvernement chrétien des hommes. Aussi penser
le politique et la politique chez Thomas, est-ce penser la fin.[5] Mais penser la
fin implique le retour vers une origine où repose la légitimité du pouvoir. Dès
lors, penser la fin dans la légitimité de son origine, sachant que cette
origine tient de la divinité, c’est placer le principe fondateur du pouvoir
ailleurs qu’en lui-même ; en d’autres mots, c’est faire dépendre le
pouvoir, en tant que théorie de la puissance et praxis de la théorie, d’une puissance extérieure au pouvoir
lui-même, tant et si bien que le pouvoir réel du Prince ne peut être défini
jamais par une souveraineté plénière. En effet, une souveraineté relative n’est
pas une souveraineté, car la souveraineté (comme l’amour) est ou n’est
pas. Une fois encore on saisit combien la pensée thomiste est fondamentalement
anti-moderne, parce que la théorie place le pouvoir réel dans une position de
soumission à l’égard d’une puissance supérieure et normative qui définit impérativement
ce qui est bon par nature[6] ; or, ce
qui est bon par nature, dérive de la
bonté originaire, laquelle n’est autre que la bonté céleste, c’est celle de
Dieu qui ouvre la société humaine au Salut.
Puisque
l’origine de l’homme social est dans la nature et que la nature est crée par le
Dieu unique, la fin de l’homme social ne peut être que dans le ciel, et donc la
bonne vie terrestre que les hommes cherchent à organiser (la praxis du politique) a pour orientation
l’accès à la vie bienheureuse dans le ciel. Ce qui ressort à l’ordre du bien
dans la vie terrestre est donc toujours commandé par les « béatitudes
célestes ». Reste à savoir comment organiser cette vie terrestre afin
qu’elle conduise les hommes dans leur socius
aux béatitudes célestes.
Le meilleur
régime mondain doit donc dériver de la création du monde, laquelle se manifeste
sous la forme d’une hiérarchie entre les catégories. C’est pourquoi l’art de
gouverner qui se déploie selon le principe de l’imitatio ou de la mimétiké,
s’articulera selon une hiérarchie. Enfin, l’art que le Dieu unique met à
ordonner le monde à sa fin, au Salut, doit donc être le modèle du gouvernement
terrestre. Donc la juste Cité terrestre
est celle qui est orientée à sa fin propre par une cause unique qui la guide. Cette
cause n’est autre que le roi, car si un seul a créé et ordonné l’univers, un
seul est à même de discerner le bien et ce qui permet d’orienter la Cité vers
le meilleur. En bref, Dieu ordonne le monde et le roi la Cité. La récompense
attribuée au bon roi c’est Dieu qui la lui donne, c’est pourquoi le Roi n’est
dépendant que de Dieu ou… de son représentant. C’est en soumettant la
souveraineté du royaume et le pouvoir de celui qui le représente, le roi, à
Dieu, que saint Thomas peut ainsi soumettre le roi au premier des représentants
de Dieu sur Terre, au Pape. Il y a là une manière logique de démontrer la
soumission du politique au théologique, et donc, d’expliciter la limitation de
la souveraineté politique. Or, dans la factualité, cette théorie théo-logique
doit aussi rendre compte d’une féroce lutte théologico-polique pour le pouvoir réel, celle menée par la
papauté contre la tentation des princes sans cesse réactualisée de capturer le
pouvoir spirituel. Il s’agissait de mettre définitivement terme à la querelle
des Investitures et donc de limiter, au nom de la conception
« correcte et juste » de la foi, et le pouvoir ecclésiastique
réclamé par l’empereur allemand en tant qu’empereur du Saint empire romain
germanique, et, celui déjà gallican des rois de France. Voilà du côté des
princes, quant au peuple, entendu comme le peuple chrétien, tout pouvoir de
contrôle lui est dénié. En effet, le peuple ne peut jamais se révolter contre
le roi, puisque le roi est la projection-imitation de l’ordre divin dans l’espace
de la société humaine et qu’une révolte entraînerait donc une confusion de la
hiérarchie et, par là-même, une confusion de l’ordre du monde. Aussi le mauvais
Prince ne peut-il être sanctionné que par celui qui lui est supérieur,
c’est-à-dire par le Pape. Dès lors seul le Pape peut accorder au peuple la
liberté de déposer son Prince lorsqu’il l’excommunie, le déclare hérétique ou
schismatique. En théorie, le Roi ou l’Empereur n’est que l’instrument qui
actualise ou promulgue la loi divine comme pratique sans jamais pouvoir en
atteindre l’essence.
On
peut ainsi résumer la théorie politique de saint Thomas : il argumente un
ordre analogique entre l’ordre divin et l’organisation politico-sociale. Le Roi
est dans son royaume comme l’âme dans le corps et comme Dieu dans le monde.
Ainsi, dans les affaires des hommes, le Roi agit à la place de Dieu, comme son
aide. Partant, le Roi exerce une providence déléguée par la suprême Providence
en fonction d’une analogie fondée sur une théologie du monde logico-déductive.
Saint Thomas peut donc assumer que le bon gouvernement accomplira ce pourquoi
il y a un chef voulu par la divine Providence sous le contrôle ultime de celui
qui en est le représentant éminent sur la Terre, le Pape.
Comment, en la guise de Dieu, gérer
l’économie ?
C’est
dans l’horizon de sens (axiomatique, finalité et axiologie) déterminé par l’art
divin de créer le monde et son imitation comme art de gouverner la communauté
naturelle du vivre ensemble des hommes que saint Thomas développa ses conceptions
économiques. Toutefois, avant de poursuivre l’analyse de la conception thomiste
de l’économique, je souhaiterais donner quelques précisions factuelles qui
permettent de comprendre le défi auquel saint Thomas se trouva confronté.
En ce
milieu du XIIIe siècle, l’Italie de Saint Thomas est le centre d’une gestation
économique, qui quatre siècles plus tard, deviendra la révolution la plus
radicale qu’ait connu l’humanité après la révolution néolithique. Il s’agit de
la naissance et du développement du capitalisme, certes encore mercantile, et,
cependant, en certains lieux déjà industriel. Venise et son arsenal
représentent l’exemple inaugural de cette innovation très précoce, ensuite
Gènes, puis Florence et Prato… Déjà, à la fin du XIIe siècle certains monastères
cisterciens pratiquaient une véritable politique économique fondée sur la
division internationale de la production et articulée autour de
l’import/export. Thomas sait parfaitement que le commerce a déjà fait de certaines villes italiennes, mais aussi
allemandes, anglaises et françaises, des centres de contestation du pouvoir
politique des princes féodaux, y compris des princes ecclésiastiques. Thomas
sait parfaitement que le pouvoir royal ou impérial a signé des chartes de
liberté avec des villes, afin d’affaiblir le pouvoir des grands féodaux. Thomas
sait encore que le commerce ne se réduit pas au transport et à la revente des
marchandises, ni à des participations financières à ce qu’il faut déjà nommer
des sociétés à responsabilités limitées (SRL), mais que le commerce est déjà
conçu comme un commerce-monde qui implique nécessairement le commerce de
l’argent pour lui-même, c’est-à-dire, le prêt à intérêt.
C’est
chez Aristote qu’il paraphrase, qu’il a trouvé les arguments logiques qui
complètent les affirmations évangéliques s’élevant contre l’autonomie de
l’argent. Pour la théologie du Salut cette autonomie engendre la ruine de la
transcendance, en ce que l’intérêt est la manifestation même de l’immanence de
l’argent, c’est-à-dire le signe et le sens de son auto-reproduction selon la
loi d’une croissance infinie qui n’a plus de relation aucune avec le Créateur.
C’est donc à partir de l’infinité que l’on doit ressaisir l’enjeu de la théorie
économique thomiste dans l’horizon de sens déterminé par la transcendance
divine.
En
parlant de l’argent Aristote l’avait déjà affirmé : « ce n’est pas
l’infini qui commande ». Pour la même raison, saint Thomas repousse le
prêt d’argent contre intérêt parce qu’il est soumis à l’infinité et engendre
donc la cupidité. Thomas appelle cela l’« échange de l’argent contre de
l’argent » qu’il condamne totalement, tandis que l’échange de l’argent
contre les fruits du travail est quant lui louable. C’est la théorie du juste
prix conçue tant à partir du revenu du travail que des revenus du commerce,
lorsqu’il y a vente à un prix convenable (sic !)
d’un bien nécessaire à la vie des hommes. Seuls ces bénéfices représentent des
gains licites. Toutes ces limites tracées quant à la nature des gains du
commerce, ainsi que la préférence donnée à une vie collective autour d’une
production et d’une consommation autarciques, tiennent aux réserves que saint
Thomas soulève à l’encontre de la vie urbaine, perçue comme dangereuse. C’est
en effet la ville qui engendre ces fortes concentrations d’hommes aux
« humeurs imprévisibles et incontrôlables », lesquelles sont lourdes
de menaces pour le pouvoir politique et ecclésiastique. C’est pourquoi l’idéal
social de saint Thomas demeure le féodalisme et sa double base sociale,
aristocratique et rurale, assemblée autour de l’Église. Mais les villes sont
là, avec leur commerce, leurs banques, l’artisanat et une industrie naissante
de plus en plus indispensable à la richesse et au pouvoir des princes et de
l’Église. Les bourgeois, les artisans et les ouvriers des villes ont lutté ou
luttent encore pour l’obtention de chartes de libertés, et plus précisément de
libertés politiques et de libertés du commerciales (les premières datent de la
fin du XIIe et du début du XIIIe siècles). Si bien
qu’au-delà du danger ontologique qu’à la suite d’Aristote il saisit dans la
domination de l’infinité, saint Thomas voit poindre ici un autre danger, cette
fois ontique, précisément politique, celui qui entraînerait l’ébranlement de
l’ordre hiérarchique féodal qui tend à imiter idéalement la perfection de
l’ordre hiérarchique naturel créé par Dieu.
Or
cet ébranlement de l’ordre hiérarchique féodal retentissant dans l’ordre
politique, vient de la mise en question de la transcendance par l’argent
prêtée. L’intérêt (usura) est injuste
en ce que le bénéfice du prêt serait le résultat de la vente de l’argent et de
l’usage de l’argent. Dès lors, prêter à intérêt revient à vendre deux fois la
même chose, la chose et l’usage de la chose, en bref, on vend quelque chose qui
n’existe pas.[7]
En fait, le prêteur réclame de l’argent non seulement pour récupérer son
capital ce qui est légitime selon Aristote, mais encore pour le prix de son
usage ce qui ne l’est point (saint Luc : « prêtez sans rien
attendre en retour » 6,
35) : on agit comme si « quelqu’un vendait du vin et l’usage du
vin ».[8]
Cette conception du prêt et de l’intérêt saint Thomas la formule en reprenant
mot pour mot Aristote : l’argent est seulement fabriqué pour faciliter
l’échange et non pour se reproduire car il est fait par l’homme, il
n’appartient point à la nature, à la nature engendrée par Dieu fut l’ajout de
saint Thomas. Ainsi, l’usage propre et donc juste de l’argent est d’être
dépensé pour les échanges : « C’est pourquoi il est illicite en soi
de recevoir un intérêt (pretium)
qu’on appelle usure pour l’usage de l’argent prêté ».[9] En ultime
instance, « l’acquisition d’intérêts sur l’argent est contraire au plus
haut point à la nature. »[10] L’argent étant
une chose artificielle, il ne peut faire des « petits » comme le font
les choses naturelles : pour gagner de l’argent, il faut du travail, et
non de l’argent. Notons que cet argument soutient déjà une thématique identique
à celle que la critique moderne de l’économie libérale mène à l’encontre de la
domination du capitalisme financier et des spéculations boursières sur le
capitalisme industriel et les activités productives des seules vraies
richesses, celles engendrées par le travail.
Or,
si l’intérêt du prêt est contraire à la nature conçue et réalisée par Dieu, il
l’est simultanément et directement opposé à la divinité, parce qu’il autonomise
le temps de travail de l’argent dans son autoreproduction. Si comme toute chose
naturelle le temps tient de Dieu, alors l’intérêt qui travaille même les jours
de repos et de fêtes consacrés à louer la divinité, vole le temps à la
divinité, et, volant le temps à la divinité, il le vole aussi aux hommes
puisque Dieu le leur a offert gratuitement. A nouveau, sur ce point précis
les socialistes du XIXe siècle n’eurent pas une position essentiellement
différente de celle de saint Thomas, sauf que Dieu n’était plus le propriétaire
éminent du temps, mais la société, laquelle était cette fois une production
immanente à l’homme dès lors qu’il s’arrachait à l’état de nature pour vivre en
communauté.
Il
fallut attendre 1545 pour que Calvin dans sa célèbre Lettre sur l’usure affirme l’inverse d’Aristote. Si l’argent
« ne fait pas naturellement de petits » écrit-il, il n’empêche, les
« petits » de l’argent permettent cependant de mettre en œuvre une production,
et le fruit de cette production sera indirectement dû au capital initial ;
c’est donc en raison de cette possibilité médiatement productive, que l’intérêt
détient le caractère d’un bien productif. On trouve ici l’origine de
l’argumentation des mercantilistes et des économistes libéraux modernes. Soyons
clairs, le protestantisme n’est pas à l’origine du capitalisme, le capitalisme
appartient à l’événement politico-social européen issu de la chute de l’Empire
romain d’Occident, c’est-à-dire à cette dynamique qui, en marge de la
transformation des royaumes barbares en monarchies ou principautés féodales, a
engendré des villes commerçantes et pré-industrielles. Toutefois, la Réforme,
dans sa version calviniste, a délivré les hommes de la culpabilité de
l’intérêt, en donnant à son illimitation la légitimité d’une éthique biblique
dans le cadre de la prédestination. En plus de deux cents pages Max Weber n’a
fait que paraphraser cette lettre…
Face
à la montée en puissance du monde urbain, de ses déterminations
techno-économiques et politiques, de la liberté d’action des corporations et
des guildes, saint Thomas réaffirme avec la force de son argumentation
théo-onto-logique l’ordre immuable de la féodalité parce qu’elle est le produit
de la divinité soumise au contrôle de la papauté.
Les apories de la politique
théo-onto-logique de saint Thomas
Que
ce soit dans la sphère proprement politique ou dans la sphère économique, c’est
la fin, le salut, comme principe premier qui commande à l’action des hommes (et
non de l’homme). De cette manière le Salut n’est pas concevable sans
l’instauration, le renforcement et la généralisation du royaume chrétien sur
terre, afin de préparer la fin céleste. Il s’agit, en ultime instance, de la
volonté de valider en raison une transcendance révélée et indiscutable, devant
les lois de laquelle toute pratique doit plier.
C’est
de cette volonté de validation que naissent les contradictions insurmontables
du système politico-théologique de saint Thomas. Je les énumèrerai succinctement.
Il y
a d’abord la pratique politique réelle des Princes qui répond à des jeux de
pouvoir ou de puissance qui n’ont rien affaire avec l’engagement vers le Salut.
C’est la contradiction classique entre l’éthique et la politique (cf. le sort
réservé à l’archevêque Thomas Beckett par le roi d’Angleterre Henri II) qui
recevra une solution pratico-théorique de Marsile de Padoue d’abord, de
Machiavel ensuite, en les dissociant dans l’analyse théorique et la pratique
réelle.
Cette contradiction atteint l’Église elle-même dès
lors que dans sa volonté d’imposer le bon gouvernement capable d’accomplir la
fin menant au Salut, elle dut faire usage de la force, tantôt indirectement en
se servant du bras armé du prince, d’autres fois en s’armant elle-même. En
d’autres termes, dès lors que son pouvoir temporel joua de son pouvoir
spirituel, et son pouvoir spirituel de son pouvoir temporel. Dès lors que
moines et prélats prenaient armure et glaive, le « Tu ne tueras
point » perdit son sens. C’est ce qui avait heurté les moines et les
prêtres byzantins lorsqu’ils virent, pour la première fois l’été 1098 parmi les
seigneurs Francs croisés, des moines dont la soutane couvrait une armure et
laissait voir une épée.
C’est
dans le champ de cette contradiction que naquit en Europe occidentale et
centrale le conflit entre l’Empire et l’Église, afin de savoir qui, d’entre ces
deux institutions « issue de la volonté divine » (l’Empereur tout
comme le Roi est oint) est à même de faire advenir dans la praxis le bon gouvernement, c’est-à-dire les conditions de la
paix : est-ce la paix de l’Église ou celle de l’Empire ? C’était là,
par exemple, en faveur de l’Empire la réflexion que Dante développa tardivement
dans le De Monarchia.
Cependant,
la mise dans la forme organisée par la logique aristotélicienne du rapport
entre la fin, l’origine et le modèle originel telle que saint Thomas l’a
construite établit un type de réflexion (disons scolastique ou mieux
logico-scolastique) qui va nourrir la pensée politique occidentale chaque fois
que la fin sera pensée en fonction de l’accomplissement d’un début où cette fin
(l’effet) fonctionne comme axiomatique. C’est pourquoi chez Thomas se
rencontre, bien plus contrasté que chez Aristote, l’opposition entre le
réalisme politique et l’idée d’accomplissement d’un modèle idéal, entre l’art
de la politique comme art du possible du devenir humain et l’art de la
politique comme volonté implacable de réaliser une origine devenue une finalité
éternelle, vraie, absolue, intangible, irréfragable. Voilà l’enjeu de saint
Thomas dans son effort en vue de donner un corps de doctrines politiques au
royaume chrétien d’une part, et, de l’autre, afin d’assurer fermement la
puissance temporelle de l’Église latine.
Il
convient de remarquer que l’écriture de saint Thomas s’élève lorsque l’Église
latine atteint simultanément à l’apogée de sa puissance et à l’aube de son
déclin. En effet, jamais la théologie politique de saint Thomas n’a pu rendre
compte des conflits politiques qui ont bouleversé l’Europe entre le XIVe
et le XVIe siècles, et d’où sont sortis la modernité politique,
technique et sociale non seulement de l’Europe, mais du monde. Non plus que le
thomisme n’a pu servir jamais à contenir, maîtriser et dominer la
généralisation de la mercantilisation des relations entre les hommes.
En
définitive, la politique réelle du Moyen-âge ne s’est jamais soumise à la
morale chrétienne[11], le pouvoir
des rois n’a jamais été absorbé par l’idée chrétienne du Salut, c’est pourquoi
l’honneur du Roi est passé toujours avant l’honneur de Dieu, et la volonté des
pontifes romains, manifestée depuis Gélase Ier[12] au Ve
siècle d’éclipser le droit « naturel » de l’État s’est révélée, au
bout du compte, être mise en échec.[13] Pis, l’Église
elle-même n’a pu résister à la mercantilisation des relations sociales au sein
de la société médiévale déclinante.[14] Pour assurer
sa puissance temporelle et spirituelle elle a eu besoin de plus en plus
d’argent. Acculée à des dépenses de plus en plus exorbitantes, l’Église, en la
personne des papes, ne put résister à vendre l’invendable, les Indulgences[15], c’est-à-dire
le Salut, signant ainsi sa fin, bien avant que la théologisation du politique
et la sécularisation généralisée n’en
manifestent l’évidence.
Dans
une lecture heideggerienne on n’hésiterait pas à affirmer que l’accomplissement
logico-sémantique de la théologie politique chrétienne de saint Thomas,
c’est-à-dire le De Regno et la Sententia libri politicorum comme Ereignis
(événement-avènement-appropriation) dévoilent ou, si l’on préfère, met à la
fois dans le retrait et l’ouvert le destin (Moira)
engendré par les deux puissances qu’il essaya de battre en ruine, l’immanence
du pouvoir politique séculier et celle des relations sociales établies par et
sur l’argent. Dire que le devenir démentit saint Thomas, c’est trop peu, sans
toutefois enlever rien à la grandeur, la pénétration, l’obstination, l’opiniâtreté, la persévérance et la ténacité de sa
pensée.
* Ce texte développe amplement une communication faite lors du colloque
international sur la philosophie pratique de Saint Thomas d’Aquin, organisé par
la Société internationale Saint Thomas d’Aquin à Oradea (Roumanie) les 7-8-9
mai 2002.
[1]
Je suis de ceux qui, suivant la leçon de Leo Strauss, repousse toute idée de
philosophie de la ou des religions, surtout lorsqu’il s’agit des religions
révélées. Dans un texte célèbre, Athènes
ou Jérusalem, Leo Strauss a mis, sans contestation possible, les choses au
point : soit l’on parle du point de vue de Jérusalem et l’on se tient dans
la théologie soit l’on parle du point de vue d’Athènes et l’on se tient dans la
philosophie. Cf. « Jérusalem et Athènes. Réflexions préliminaires »,
in Leo Strauss, Études de philosophie
politique platonicienne, Belin, 1992, ch. VII, pp. 209-246.
[2]
N’oublions pas que la Renaissance commence en Italie un demi-siècle après la
mort de saint Thomas (1274), avec Pétrarque (1304-1374) qui défend le
« retour aux sources antiques, et englobe sous le qualificatif péjoratif
de ‘Modernes’ toute la science des facultés de théologie et de droit de son
époque, ainsi que le style ‘gothique’ qui leur correspondait dans les arts et
les lettres, », cf. Marc Fumaroli, « Les abeilles et les
araignées », in La Querelle des
Anciens et des Modernes, XVIIe-XVIIIe siècles, Gallimard, Folio-classique,
Paris, 2001, p. 7. Cette idée de barbarie médiévale est parfaitement ruinée par
Alain de Libera, tout au long des pages de Penser
au Moyen Âge, Seuil, Paris, 1996.
[3]
Nom donné aux philosophes, historiens, essayistes, romanciers, poètes roumains
qui, semblables aux narodniki russes, pensent qu’il existerait dans
l’historicité de la modernité de l’État-nation une catégorie ontologique comme
un « être éternel et anhistorique de la roumanité ».
[4]
De Regno, in Sancti Thomae de Aquino Opera omnia, t. 42, Rome, 1979, pp.
417-471. Le reste des conceptions politiques et économiques de saint Thomas se
trouvent dans les ouvrages suivants : Somme
théologique, seconde partie de la seconde partie, 77.1, 78.1, 78.2 ; Sententia libri politicorum, troisième
livre, leçon 5.
[5]
On retrouve cette approche dans les utopies modernes qui ont mené à de grands
massacres. Dès lors que le politique n’est plus pensé et agi comme l’art du possible, c’est-à-dire l’art
du compromis, mais comme l’accomplissement d’une fin donnée comme axiome
originaire, alors la pratique politique effective devient totalitaire puisque
le devenir (la réalisation du bon gouvernement) doit, sans faiblir jamais,
accomplir la fin affirmée dès le début. Rien de ce qui advient dans le décours
de la pratique, un futur sans visage attendu, et qui compose la nouvelle
réalité imprévue, ne peut détourner l’incarnation de l’idée – la
volonté affichée de la réaliser – du chemin qu’elle s’est tracée. Au bout
du compte, c’est toujours la réalité, un temps refoulée, qui finit certes par
resurgir avec force et violence, mais toujours au prix d’immenses destructions.
[6]
C’est moi qui souligne.
[7]
Somme théologique, seconde partie de
la seconde partie, 78.1.
[8]
Ibidem.
[9]
Ibidem.
[10]
Sententia libri politicorum,
troisième livre, leçon 5, 1. 10.
[11]
De fait, la politique n’a jamais été soumise à aucun impératif éthique, Platon
rêvait d’une cité idéale, saint Thomas d’un Royaume idéal, Rousseau d’un
contrat idéal, Kant d’une paix perpétuelle, Marx d’une société sans nécessité.
Aujourd’hui, tout le monde parle des « droits de l’homme », quand les
événements montrent sans fard qu’il s’agit là d’une énième version du « whishful thinking ».
[12]
« Le monde est gouverné, écrit Gélase, par l’autorité sacrée du pontife et
le pouvoir royal […] et les prêtres ont a rendre compte au Seigneur même pour
les rois du jugement divin, c’est d’eux que vous (les rois) devez recevoir
votre salut. »
[13]
Il convient ici de souligner que cette différence entre la morale chrétienne et
le droit de l’État fut préservée dans l’empire de Byzance en raison de
l’héritage romain.
[14]
A la fin du XIVe siècle, le célèbre marchand et banquier de Prato, Francesco di
Marco Datini, commençait ses lettres commerciales par cette phrase :
« Au nom de Dieu et du profit », in Iris Origo, Le Marchand de Prato. La vie d’un banquier toscan au XIVe siècle,
Albin Michel, Paris, 1959, p. 67 (publication originale, Jonathan Cape, Londres, 1957).
[15]
Martin Luther, « Quand notre Seigneur et Maître Jésus disait : Faites
pénitence [...] , il entendait que la vie entière des croyants devait être
une pénitence. »
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