jeudi 11 mars 2021

De quoi AUR est-il le syndrome ?

 

 

Avec plus de 9% des votants aux deux chambres l’élection de la liste AUR a suscité l’étonnement pour certains, la colère pour d’autres engendrant pour l’essentiel une prose d’affliction et de désastre sur le thème : le néo-légionarisme est entré à l’Assemblée nationale et au Sénat ! Catastrophe ! Nous sommes au bord de la dictature ! Gauche de vaudeville, centre-gauche et centre-droit des profiteurs, intellectuels geignards, politiciens opportunistes de tout poil, tous plantés derrière l’écran de leurs ordinateur lancent les cris d’orfraie de l’effroi du fascisme qui campe à nos portes. Tous ou presque se vautrent dans la déploration. Hormis deux intellectuels plutôt à la marge qui ont tenté une analyse des causes réelles et non fantasmatiques, le reste demeure comme à l’accoutumé dans l’épiphénomène…

Or cette nouveauté électorale n’en est pas une puisque le discours néo-légionnaire est présent en Roumanie depuis bien longtemps, partiellement depuis le national-communisme, mais après décembre 1989 essentiellement parmi les intellectuels de la droite libérale dure qui ont récupéré dans les premières années du XXIe siècle des gens venant des partis parlementaires, à coup sûr des partisans de Messsieurs Basescu et Ponta dont les formations ayant obtenu moins de 5% des votants n’ont pu entrer au parlement. Plus surprenant encore c’est le vote important d’une partie des émigrés et à coup sûr celui de certains membres du mouvement LGBTQ qui passe pour appartenir à la gauche sociétale et dont le leader Monsieur Viski s’est fendu d’une mise au point fort gênée pour justifier ce vote pour le moins paradoxal parmi ses amis et commensaux.

Comment donc interpréter ce vote ? Comme toujours en bonne méthode il ne suffit pas, loin s’en faut de déplorer ou de rire de l’événement, mais comme l’écrivait dès longtemps Spinoza, il faut tenter de le comprendre. En d’autres mots plus modernes, il convient de s’essayer à saisir les conditions de possibilité (au sens kantien) de l’événement qui est aussi un avènement. Pourquoi donc ce succès relatif de AUR quand personne, et surtout pas les analystes politiques et les journalistes ne s’y attendaient guère ? Pour en appréhender les ressorts les plus profonds il faut, dans un premier temps, rappeler que ces élections ont enregistré le plus haut taux d’abstentions enregistrées depuis les premières élections après la chute du régime communiste : 70% ! Lassitude des choix entre des fausses alternatives répétées depuis plus de trente ans à laquelle s’est ajoutée l’épidémie de Covid-19, ensembles elles ont travaillé en synergie abstentionniste. Une première conclusion partielle s’impose, aucun des membres des partis élus pour le temps de cette législature ne détient une quelconque légitimité populaire. Mais rien de grave, puisqu’aujourd’hui le pouvoir ou les pouvoirs réels (deep State) s’en moquent pourvu qu’il soit offert au peuple, et aux instances étrangères, le spectacle de la forme démocratique. Cependant cette non-légitimité en devenir est loin d’être suffisante pour comprendre le succès partiel de AUR. Pour ce faire il faut revenir en arrière et brosser à grands traits (peut-être un peu grossiers) ce qui a construit, au-delà de toutes les péripéties subalternes des changements d’équipes dirigeantes, la Roumanie postcommuniste.

Après que les élites politiques ont systématiquement laissé piller ou piller eux-mêmes le pays, après qu’elles ont mis à l’encan l’industrie roumaine, vendu à vils prix les banques, les institutions financières, les régies stratégiques (eau, gaz, électricité), et après qu’elles ont accepté de transformer le pays en sous-traitance industrielle sous-payées et en exportateur de main-d'œuvre quasi esclave pour l’agriculture et le bâtiment occidental, force nous est de constater, malgré la vision macroéconomique satisfaisante de la bureaucratie bruxelloise, que le paysage économique et humain n’est guère brillant : un système sanitaire en ruine et pour l’essentiel en train d’être privatisé, un enseignement primaire et secondaire très mal en point au détriment du secteur privé ; les institutions culturelle maltraitées ; les infrastructures ferroviaires en totale déconfiture, l’infrastructure routière pour l’essentiel mal en point, même la nouvelle autoroute ; les splendides forêts primaires de conifères et de feuillus de Transylvanie et de Bucovine ravagées par des coupes incontrôlées au point que même la très libérale l’Union européenne s’en est émue ! Les résultats de ce pillage, de cette incurie, de cette irresponsabilité, de cette corruption et de ces malversations c’est presque quatre millions de Roumains dans la fleur de l’âge travaillant à l’étrangers et pour la plupart dans des conditions de semi-esclavage. Autant de citoyens obligés de quitter le pays puisqu’ils ne pouvaient simplement plus y survivre, laissant souvent derrière eux des enfants à la charge des grands-parents, des oncles et des tantes âgés qui ne peuvent assumer une éducation. Aussi voit-on de développer une délinquance et une prostitution de plus en plus nombreuses parmi les jeunes adolescents dont profite largement le tourisme sexuel occidental. De plus, parmi ces exilés il y a non seulement la masse des ratés ruraux de la thérapie de choc (les hommes sans dents et la bouche tordue comme les désignent les nouveaux bobos), mais encore des hommes et des femmes possédant des diplômes respectables : beaucoup d’intellectuels partis parce qu’ils ne voyaient plus aucun avenir dans un pays où les modes de recrutement des institutions d’enseignement supérieur et de recherche se font bien plus sur la bases du clientélisme, voire du parentélisme familial que sur le fond d’une méritocratie. Des hommes ingénieurs se vendent comme ouvriers non-qualifiés dans le bâtiment, des femmes ingénieures se vendent comme gardes-vieillards tandis que d’autres alimentent des dizaines de réseaux de prostitution de l’Allemagne au Liban. De milliers de médecins et d’infirmières quittent les hôpitaux roumains pour ceux d’Occident, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de France, de Belgique, d’Espagne. Là il n’est guère besoin d’être un grand économiste pour comprendre à quoi servent les accord de l’Union européenne sur la libre circulation de la main-d’œuvre : obtenir au moindre coût des travailleurs de qualité ou un sous-prolétariat rural au plus bas prix. En gros, un pays transformé en un marché pour une majorité de biens de consommations occidentaux, en sous-traitance de quelques usines de mécanique et d’électroménager, en services téléphoniques internationaux, en sources de matières premières, l’ensemble servi par une main-d'œuvre souvent qualifiée et payée très bon marché, ne bénéficiant de presque aucune de protection sociale et syndicale. Bref en trente et un ans de postcommunisme, la Roumanie s’est transformée en une semi-colonie.

Voilà pour ce qui concerne l’infrastructure générale. Encore faut-il ajouter à ce tableau fort sinistre ce qu’il est convenu de nommer dans le langage marxiste les superstructures qui, si elles ne déterminent pas les conditions objectives de l’exploitation, constituent les bases de la conscience du sujet de sa propre vie, en bref sa subjectivité, sans omettre le rôle idéologique essentiel des discours légitimant la thérapie de choc. Pendant trente et un ans, les États occidentaux, des fondations privées et cependant liées à la structure politique profonde de ces États ont inondé de bourses les anciennes-nouvelles élites communistes reconverties avec brio et souplesse aux charmes discrets (et moins discrets) du néo-libéralisme. Les nouvelles générations de privilégiés très souvent héritières des précédentes ont entonné l’Ozama du nouveau libéralisme, des privatisations généralisées, des bas-salaires, de l’austérité pour les appauvris, bref, ont jeté aux poubelles de l’histoire toutes les modernisations réalisées par le régime communiste, depuis la généralisation de l’enseignement, le développement de la médecine préventive, l’industrialisation massive et l’urbanisation d’un pays essentiellement arriéré en 1948. Grosso modo on peut dire que c’est la culture politique et sociétale étasunienne ou anglo-étasunienne qui s’est imposée comme la représentation du « bien, du beau et du bon ». Plus que sous les communistes, qu’on avait accusé pendant la guerre froide de mépris pour les traditions, la lutte violente contre toute référence au passé s’est trouvée au centre du Kulturkampf postmoderne, Zizeck parlerait même de posthumanité. En d’autres mots, pour ces nouveaux technocrates, employés de sociétés étrangères, agents bancaires, brokers d’assurance, vendeur de grandes marques d’automobiles, journalistes, publicitaires, professeurs universitaires des disciplines en pointe du management, du journalisme, des études européennes, d’économie plus rien de l’anté ne garde de valeur référentielle à protéger et donc ne vaut pas la peine d’être vécu. Ce sont les vies entières de leurs parents et grands-parents qui sont l’objet d’un discours apophatique, certains allant même jusqu’à insulter leurs anciens. Plus rien ne compte que d’être en phase avec le plus radical nihilisme, celui qui dénie toute valeur à l’identité nationale même minimale, qui anglicise la langue nationale[1], qui rejette la foi orthodoxe ou grec-catholique qui ne correspond plus au tempo pop-rock de l’Église catholique ou protestante, qui ne comprend le Salut que dans la positivité économique du néo-libéralisme et les prouesses les plus effrayantes de la technique. C’est pourquoi les communautés rurales traditionnelles, bien plus détruites par la monétarisation violente de la thérapie de choc que par le communisme collectiviste, ne valent plus rien sauf à être transformées en marchandises folkloriques pour touristes analphabètes en quête d’exotisme de pacotille. Ainsi des écrivains et des poètes qui naguère jalonnaient les étapes de la construction de la culture roumaine moderne ont été jetés aux ordures, et certaines actions politiques qui avaient eu en leur temps quelque dignité sont remisées au magasin des antiquités insignifiantes, bref pour ces nouveaux humanoïdes l’histoire roumaine commence véritablement à la fin du mois décembre 1989 quand un coup d’État renversa un pouvoir communiste fragilisé par une lutte d’indépendance nationale dure et épuisante pour la population, laquelle ne soutenait plus ce combat pour le maintien coûte que coûte de la souveraineté du pays, elle attendait les Américains depuis plus que quarante ans ! Ils sont venus, balayant tout sur leur passage et laissant des miettes contenter les laquais. Ainsi c’en est terminé de la solidarité communautaire, l’individualisme effréné triomphe dans tous les rapports humains : achevée la claca, vive le crédit bancaire ; le couple, antique forme de reproduction socialisée humaine de vie à deux, ou trois ou quatre avec des enfants communs est regardé comme hautement criminogène au profit de diverses relations homothétiques, de transformations biologiques ou simplement passagères (un week-end en amoureux se dit présentement « un plan cul »). Aujourd’hui, l’idéal de l’achèvement d’une vie professionnel se résume à passer d’un aéroport à l’autre, d’un colloque à l’autre, d’une conférence à l’autre. Une vie en perpétuel transit (en stand by pour parler globish).[2] Or la réalité majoritaire roumaine est autre. Hormis les 5% d’urbains les plus engagés dans l’engrenage économique global et/ou dans l’idéologie culturelle occidental, le reste de la population demeure encore très traditionnelle, encore très rurale y compris dans les villes petites et moyennes, et dans les banlieues des grandes agglomérations.

Peut-on avancer, comme le fait une majorité écrasante de commentateurs qui, selon une inclination toute postmoderne propre aux progressistes de salon se fait peur en regardant AUR comme un parti fasciste ? Quitte à me faire injurier par les semi-doctes de la pensée historiques et politique (la masse des anachroniques) ou à engendrer l’humeur maussade de prétendus démocrates qui ne regardent jamais plus loin que le bout de leur doigt (et non la Lune que montre le doigt), j’ose affirmer le parti AUR n’est pas un parti fasciste, mais un parti réactionnaire d’extrême droite. Aur n’affiche aucun des attributs essentiels du fascisme historique que ce soit dans sa version italienne, allemande ou bien sûr roumaine. En premier lieu et non le moindre, ce n’est pas un parti qui est doublé par une organisation paramilitaire quasi terroriste ! AUR n’a assassiné aucun politicien ! Ce n’est pas un parti qui rejette systématiquement la ploutocratie, simplement il la veut limiter aux Roumains. A y regarder de près, ses références au passé récent de la Roumanie ne sont que nostalgiques, son néo-légionarisme est un légionarisme mité de musée, or en politique on ne bâtit pas une action contemporaine avec le seul culte du passé, en ruminant une défaite, en pleurant les grands disparus. La modernité et plus encore la postmodernité pense et joue son agir avec des références d’avenir qui ne visent jamais une véritable restauration, même si elle usait parfois de métaphores faisant référence au passé. L’empire romain de Mussolini était bien plus une métaphore d’affects que l’instrument réel de la puissance future de l’Italie ; quant au Reich de Hitler lorsqu’il faisait référence au lointain passé des Germains, cela ressemblait plus aux décors des opéras wagnériens pour nostalgiques anachroniques en détresse que d’un matériel practico-idéologique pour l’extension de l’espace vital. Le vrai culte de l’État nazi ce fut l’usage extensif et radicalement hypermoderne des techniques les plus avancées et de la science physico-chimique de pointe. Hitler et ses sbires savaient très bien que ce n’est pas avec les Nibelungen qu’il eût pu gagner la guerre, mais avec les fusées de von Braun, les Messerschmitt 262 à réaction ou l’arme atomique. Pour comprendre les véritable enjeux d’une politique il convient de ne jamais confondre le spectacle comme illusion dissimulatrice et la mise en mouvement réel de la puissance. Or AUR n’est rien que cela : c’est l’illusion d’une opposition.

Qui sont-ils donc les chantres de ce parti ? Un philosophe somme toute médiocre qui le nourri de discours réactionnaires nostalgiques sur une prétendue gloire passée en rappelant les idéologues de la légion complètement passés de mode dans les masses populaires. Ce brouet tiendrait-il lieu de guide politique pour le futur de la Roumanie dans la postmodernité ? Voilà qui semble bien rétrograde. Cela me fait plus songer au chant du cygne (et à la perte de signes) d’une culture qu’à la « victoire en chantant » des volontaires de 1793. Or cette attitude n’est pas nouvelle dans le discours culturelle et politique de la droite réactionnaire roumaine post-1989. Que ce soit le leader des manifestations du Printemps 1990 sur la place de l’Université, Monsieur Marian Monteanu ; plus encore, que ce soit le chœur des « boyards de la pensée » louant la « merveilleuse Roumanie de l’Entre-deux-guerres », nous avons eu droit à des tonnes de nostalgie plus ou moins vile, plus ou moins mensongère, plus ou moins sinistre, lugubre, car pour ces coryphées il s’agissait de faire oublier la situation lamentable et sordide tant de la paysannerie (l’écrasante majorité des citoyens) que celle du monde ouvrier, afin de construire un âge d’or qui devait renvoyer les réalisations communistes au néant. Il est vrai qu’en filigrane on devinait souvent l’ombre d’une admiration pour la légion, moins parmi les acteurs politiques les plus en vue que parmi les prêtres légionnaires survivants des déportations. Malgré le côté méprisable de leur démarche idéologique de façade, ils acquiesçaient tous aux actions véritablement postmodernes du choc économique engendré par le capitalisme tardif, que ce soit comme ministre des affaires étrangères, comme conseillers du Prince, comme graphomane-idéologues des feuilles étatiques et ONG-istes, enveloppant le tout dans le papier de soie d’une prétendue culture élitiste qui, en y regardant de plus près, ne dépassait jamais le niveau d’une première année de licence de philosophie.

Cependant la gauche roumaine ou ceux qui prétendent y appartenir ne peuvent échapper simultanément à une sévère critique. Comme une partie de la gauche sociétale occidentale, la gauche roumaine a abandonné le combat politico-économique des exploités pour le seul combat culturel réduit aux minorités qui sont d’autant plus vocales qu’elles sont ultra-minoritaires. Ces groupements se présentent comme autant d’ONG-s dont les ressources servent bien plus à compléter les revenus des quelques dirigeants qui les mènent qu’à résoudre les problèmes réels contre lesquels elles prétendent lutter.[3] Le problème social et non sociétal de l’écrasante majorité des Roumains est simple : comment contraindre les entreprises étrangères et roumaines à verser des salaires descends à leurs employés et à leurs ouvriers ? Comment lutter pour établir des taxes équitablement réparties ? Comment regagner une partie de la souveraineté économique et politique du pays ? Or l’écrasante majorité de la gauche non-parlementaire[4] ne s’adresse au capitalisme qu’en termes de mendicité, « soyez gentils, donnez-nous un peu plus ! » et non en termes de luttes de classe, fussent-elles modelées de diverses manières en fonction des circonstances. Cette gauche ne prononce jamais le mot souveraineté tant et si bien que la droite d’AUR s’en est emparée, certes en la vidant de son contenu radical pour en faire un gadget qui fait illusion auprès des masses. Or, justement l’un des nouveaux clivage politique qui divise l’Occident n’est plus véritablement le vieux rapport historique droite/gauche (en France, en Italie, en Espagne on trouve tant à droite qu’à gauche des adeptes de la même politique néolibérale de l’Union européenne, des engagement impérialistes de la France en Afrique ou des États-Unis au Moyen-Orient et en Amérique latine), mais le rapport mondialiste/souverainiste, ou en termes plus populaires, ceux du haut/ceux du bas. En refusant le terme et l’idée même de souveraineté, la gauche roumaine s’est coupé des masses populaires qui ont trouvé dans AUR des politiciens qui osent en parler, certes mal, mais qui osent. Or aussi bien en Italie qu’en France il s’est développé au cours des deux dernières décennies des groupements de gauche (certes encore minoritaires) qui ont compris la nouvelle dichotomie politique et qui agissent en conséquence.[5] Ainsi c’est ce conflit mondialiste/souverainiste qui est le cœur de la lutte féroce au sein de la France insoumise ; de même ce qui reste du parti communiste français devenu un parti croupion depuis que ses forces vivent l’ont soit abandonné, soit se sont dirigées vers les refondateurs, et cela vaut aussi bien pour l’Italie. En renonçant au domaine de la souveraineté, la gauche a laissé la porte ouverte à la droite extrême qui en a fait son cheval de bataille en lui donnant la coloration du nationalisme xénophobe. Or par tradition le nationalisme xénophobe n’est jamais le discours de souveraineté proposé par la vraie la gauche qui, suivant l’une des remarques de Marx, insiste sur le fait qu’il ne peut y avoir d’internationalisme qu’entre nations indépendantes : l’internationalisme n’est pas la dilution des nations en une fédération ou une confédération, mais une alliance entre nations souveraines qui visent une même finalité.  Par son élection au Parlement AUR est bien le signe emblématique de l’état de faiblesse théorique et pratique de la gauche, de ses ratages énormes comme celui de Demos dont les dirigeants avaient mis en scène leur pratique comme si la Roumanie ressemblait à down town New-York ou à Soho. AUR n’est certes pas un parti fasciste comme d’aucuns à gauche ou chez certains de la droite libérale tendent à l’accréditer, en revanche il est l’avertissement qu’un vrai parti fasciste postmoderne est peut-être en gestation. Ainsi que l’avait parfaitement perçu Adorno dans Minima Moralia, c’est la démocratie représentative corrompue par les jeux du Capital qui engendre ce qu’un jeune philosophe roumain, Alexandru Polgár, avait caractérisé de l’heureuse formule : le « libéralisme-social-fascisme ». Parce qu’il faut se souvenir sans cesse que dans le déploiement du capitalisme il s’agit toujours, et sous diverses formes politico-économiques possibles, de séparer radicalement les pôles de la richesse et ceux de la misère afin d’exclure et de marginaliser l’indigence qu’il engendre.

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Claude Karnoouh

Bucarest 22 décembre 2020 



[1] Le célèbre « bonjourisme » devenant un « goodmorning-isme » !

[2] Cf. L’admirable livre de Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs. De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés, Folio, Gallimard, Paris, 1998. En cours de traduction aux éditions Alexandria

[3] Récemment nous avons appris qu’une chercheuse reconnue a reçu une énorme dotation financière pour continuer à étudier le ghetto tsigane de Pata Rât de Cluj. Or depuis au moins dix ans si ce n’est plus plusieurs chercheurs ou activistes sociétaux ont reçu d’importants fonds pour étudier et changer cette situation révoltante, mais l’on ne voit rien venir. On serait tenté donc de penser que ces gens ne font rien ou presque de pratique de manière à justifier auprès des bailleurs de fonds occidentaux la perpétuation d’une situation infâme dont les financements leur assurent de confortables compléments de salaire. Quant aux tsiganes, les malheureux demeurent toujours dans la même misère. En effet, avec l’argent reçu par tous ces prétendus chercheurs on eût pu dès longtemps construire au moins une vingtaine de maisons pour les accueillir. Mike Davis l’avait déjà souligné il y a une vingtaine d’années : la pauvreté ça rapporte.

[4] Il n’y a pas à proprement parler de vraie gauche parlementaire.

[5] En France je pense à Frédéric Lordon et Jacques Sapir, à la fraction minoritaire du parti de la France insoumise ou aux minoritaires de la CGT par exemple.

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