jeudi 11 mars 2021

Technologie, écologie et histoire humaine : une hypothèse

« lidem satiali innoxii sunt. »[1]

Pline l’ancien, Histoire naturelle, livre VIII, chap. XIX. 

 

 

 

 

 

Diverses associations vouées à l’écologie, divers instituts forestiers, des départements universitaires spécialisés dans l’enseignement de la gestion des espaces naturels et, last but not least nombre d’hommes politiques des partis verts d’Europe occidentale doublés d’ONG étasuniennes se sont inquiétés à juste titre de la liberté donnée aux agriculteurs brésiliens de défricher par milliers de nouveaux hectares de la forêt amazonienne. Ainsi ce que l’on a l’habitude de désigner comme le « poumon du monde » est inexorablement réduit par des abattages massifs de la forêt primaire. Certes l’Amazone n’est point la seule zone du monde où la déforestation va bon train. La destruction forestière massive touche simultanément l’Indonésie, la péninsule indochinoise et l’Afrique équatoriale. Plus récemment, en Allemagne, en Italie, en Autriche et dans les allées de la Commission européenne la crainte d’une disparition de l’une des dernières grandes forêts primaires tempérées d’Europe, celle des Carpates roumaine été dénoncée en raison des abattages massifs commandés par des entreprises autrichiennes ou Ikea. Voilà quelques exemples pris à des milliers de kilomètres les uns des autres et qui instruisent le même processus auquel on adjoindra les feux massifs qui dévorèrent sans merci les forêts subtropicales australiennes pendant l’été 2019 car le manque d’eau ne permettait pas des arrosages massifs et simultanés à l’échelle des zones incendiées. Il y avait un manque criant d’eau et ce, pour une seule raison : celle-ci avait été vendue à des compagnies de soda comme Coca-Cola ! Autant de déboisements qui entraînent simultanément l’élimination d’espèces animales sauvages dont certaines sont aujourd’hui au bord de l’extinction comme l’orang-outan de Bornéo et Sumatra, les éléphants du Laos, les koalas d’Australie, les Gorilles de plaines et de montagne d’Afrique équatoriale, les Bonobos de la République du Congo, etc... 

Voilà qui expose l’enjeu du défi car le défrichage sans limite n’est pas uniquement un problème forestier, celui de la destruction de bois et de sous-bois, mais conjointement un problème zoologique, celui de l’annihilation de la faune sauvage, et humain, ce qui reste de civilisations primitives comme celle des Pygmées d’Afrique équatoriale ou des tribus indiennes d’Amazonie centrale vouées à disparaître.[2] Au cours de l’été australien de 2019 les gigantesques incendies ont engendré la disparition plus de deux milliards d’animaux brûlés, y compris parmi les espèces les plus menacées de disparition totale comme les Koalas. Le président du Brésil Bolsonaro, quant à lui, proclame sans ambages que l’arrivée de l’agriculture industrielle et de la christianisation (néo-protestante) fera des Indiens des hommes enfin civilisés ! On croit régresser dans le temps, ainsi on se croirait revenu dans le passé des Amériques du XVIIIe siècle ! La planète brûle d’un feu infernal, la planète perd ses forêts, la planète étend sans limites sa population et ses mégapoles, la planète est devenue une gigantesque décharge d’ordures, la planète s’est transformée en champ expérimental d’une agriculture et d’un élevage chimique, et l’on trouve pêle-mêle le mercure des orpailleurs, les boues rouges industrielles de la Méditerranée occidentale, les rejets des engrais chimiques des côtes bretonnes, enfin et non des moindres, l’accumulation des déchets plastiques couvrant des surfaces gigantesques de l’Océan pacifique, etc. La Planète est souillée, maculée, polluée, contaminée… et, les animaux sauvages en sont éliminés.

Toutes ces destructions ne sont pas dues au hasard, à une sorte d’accident inattendu, elles tirent toutes leur origine de la satisfaction d’un appétit capitaliste sans limite obtenu grâce aux bénéfices issus de l’agriculture-élevage industrielle. Les surfaces d’exploitation de ce capitalisme agro-industriel exigent, au nom de la rentabilité maximum du capital, des surfaces gigantesques comme on en rencontre au Brésil par exemple où une seule ferme peut avoir une superficie exploitable égale ou supérieure au Luxembourg ou à la moitié de la Belgique ; où comme aux USA et en Chine quand des fermiers élèvent 40.000 dindes, 30.000 porcs, 10.000 vaches ! Plus l’exploitation est vaste et orientée vers la monoculture, le mono-élevage, plus la rentabilité du capital investi est élevée et plus elle exige l’usage massif d’engrais chimiques, de pesticides, d’antibiotiques, d’hormones de croissances qui, tous ensemble, concourent à l’augmentation exponentielle de la pollution des légumes, des viandes, des eaux de ruissellement et, par-delà, des cours d’eau et de la mer. Cette agriculture n’a cure de l’environnement parce qu’elle nourrit la plupart du temps des capitaux spéculatifs se déplaçant dans le monde rural pour trouver, un jour ici, un autre là, autant de lieux où produire engendre un profit maximum en un moindre temps possible. On se gardera d’oublier les dégradations irréversibles réalisées par le fracking des gaz de schiste pour du pétrole dont les effets entraînent la ruine totale et irréversibles des sols et sous-sols.

Certes la dévastation de la terre par l’homme n’est guère nouvelle. Celle-ci commença dès que le genre homo se détermina comme homme, cependant, à l’évidence, ce qui change dans la modernité c’est le niveau des destructions dominé par le « règne de la quantité ». Il est là l’un des traits spécifiques de l’homme qui le différencie radicalement des animaux auxquels on a pris aujourd’hui l’habitude de le comparer systématiquement au nom d’une thèse tout à fait stupide, interspécisme. Certes, il y a parfois des similitudes entre l’homme et l’animal, surtout entre l’homme et ses lointains cousins les singes et plus précisément les chimpanzés, toutefois rien n’équivaut au pouvoir destructeur de l’homo sapiens sapiens de la modernité, et d’une modernité qu’il faut peut-être faire remonter à la haute antiquité. En effet, ce qui donne à l’homme moderne son trait spécifique, c’est sa qualité destructrice unique dans le règne animal. L’homo sapiens sapiens moderne détruit bien au-delà de tous les besoins essentiels pour sa survie, bien au-delà de ses besoins alimentaires vitaux. A la différence des animaux, même les plus violents, il extermine en masse pour dominer sans partage, puis pour profiter sans partage. Je n’ai pas ouï-dire que ce soient les lions ou les tigres qui aient exterminé des troupeaux herbivores au point de faire disparaître des populations entières de gazelles ou de lions. Ce sont bien les hommes qui tuent et, par surcroît, s’entretuent avec enthousiasme malgré des torrents de pleurs, des milliers de pages de repentirs et de remords post factum.

 

Au début du XIIIe siècle, le roi d’Angleterre Jean-sans-Terre publia un édit stipulant l’expulsion de Londres intramuros des bas-fourneaux tant l’air et les chaussées y étaient pollués par les fumées et les résidus de la combustion du bois et du minerai de fer. Le paysage de la Provence tel que nous le connaissons présentement, avec ses montagnes pelées couvertes de garrigues où affleurent les strates du calcaire tertiaire n’a rien d’originel, c’est le résultat du travail humain quand, tout au long du Moyen-Âge, le défrichage massif et de la pratique systématique de la glandée[3] décimèrent les grandes forêts de chênes qui la couvraient. Forêt de chênes qui faisait dire à Pline l’Ancien parlant de la Gaule romaine : « Gallia Comata ».[4] L’histoire de la destruction de la Terre originelle, se résume en perspective cavalière par le passage du paléolithique des chasseurs-cueilleurs au néolithique tardif des agriculteurs-d’éleveurs sédentaires ayant conservé partiellement la chasse comme source complémentaire de protéines et plus tard comme privilège aristocratique. Pour défendre leurs troupeaux ou leurs piscicultures les agriculteurs éliminèrent systématiquement certaines espèces comme les loutres, les loups, les ours, les cougars, les lynx, etc… Et plus tard, les jaguars, les lions, les panthères, les ours, les éléphants et les rhinocéros, etc., dont la survie du présent est due essentiellement en ce que tous ces animaux sont protégés par diverses lois, des parc naturels et des réserves nationales. De plus il convient de n’oublier point l’extension massive de la domestication et de l’élevage de certaines espèces animales, laquelle entraîne des mutation radicales des écosystèmes originaux, et tout autant des modifications sociétales profondes comme par exemple l’intrusion du cheval en Amérique du Nord parmi les sociétés indiennes des grandes plaines.

Mutations écologiques et exterminations animales vont l’amble. Selon les meilleures recherches d’archéologie préhistorique actuelles, il semblerait que l’action destructrice de l’homme est consubstantielle à la nature humaine de l’homme en tant homme, Erectus, Denisovensis, Neandertal puis Sapiens. Selon des recherches entreprises durant la seconde moitié du XXe siècle et au début du XXIe, où la génétique joue un rôle prépondérant, on peut affirmer que certains animaux et en particulier de très grands animaux furent exterminés par des chasseurs-cueilleurs dès le Paléolithique jusqu’à l’époque de la protohistoire. Si parmi eux les mammouths sont les plus célèbres, on signalera un petit cheval en Amérique du Nord et plus spectaculaire, le kangourou géant d’Australie ou le paresseux géant d’Amérique latine tropicale. Il est assumé que tous ces animaux ne redoutaient point l’homme et se laissaient approcher sans frayeur.

Dans son petit ouvrage fort roboratif La domestication de l’être, Sloterdijk note à l’encontre des éthologues que ce qui instaure de manière indiscutable la nature humaine de l’homme ne fut rien d’autre que la technique, fût-elle la plus rudimentaire comme celle des galets brisés. Cependant, la lecture des plus récents travaux d’anthropologie préhistorique m’oblige à rajouter trois éléments qui n’appartiennent qu’à l’homme et à lui seul, et sans lesquels il n’eût jamais été l’homme en tant que le conquérant de la Terre. Un facteur physiologiques, la marche verticale, un second facteur psycho-spirituel, la langue, et un facteur technique essentiel pour ce qu’il offre de possibilités inédites à la réorganisation de l’écologie, il s’agit de l’usage conscientisé du feu qui apparaît entre 790.000 et 400.000 avant notre ère, puis qui fut recréé, sans que l’on puisse savoir quelle fut la méthode de conservation ou d’ignition. C’est pourquoi l’annonce présente, à savoir que nous entrons dans la sixième extermination massive de la faune sauvage, ne se présente pas, au bout du compte comme je l’écrivait auparavant, en tant que qualité inhérente à la modernité de l’homme propre à la production du capitalisme tardif, car pour en comprendre les plus profonds ressorts, elle doit être regardée comme une suite contemporaine d’une antédiluvienne détermination spécifique à l’homme. Nous connaissons des animaux, corbeaux, pies et singes qui savent se servir d’outils pour arriver à leurs fins, essentiellement se nourrir ou se défendre ; certes, il y a des animaux qui manifestent des comportement de deuil vis à vis de leurs semblables décédés comme les éléphants et les chiens ; certes il y a des animaux capables de répéter parfaitement des comportement appris comme les perroquets et les chiens ; certes, enfin, il y a des animaux qui montrent des sentiments d’attachement à l’autre semblable, de sociabilité et d’affection devenant ainsi un groupe, un troupeau, une horde, avec son ordre et sa hiérarchie très sévère, parfois féroces, mais aucune espèce, ni même parmi les plus proches de nous, chimpanzés, Bonobos, Gorilles et Orang-outangs ne sont capables de transformer une matière première naturelle qu’il ont trouvé autour d’eux, pierre ou morceau de bois. C’est justement la transformation de la matière brute, de la matière donnée immédiatement dans la nature, en un instrument, donc en une forme à visée fonctionnelle, qui marque la destinalité humaine, et, sait-on jamais, sa fatalité mortifère. Richard Lewinsohn dans son histoire des animaux et leur rôle dans le développement de la civilisation humaine[5], note que les premiers outils de l’homme sont des armes. Cette remarque souligne précisément le type du premier travail humain avec des outils : la violence décuplée pour obtenir de la nourriture, pour se défendre et attaquer. Dans un passage de son commentaire sur le Parménide, Heidegger rappelle la théorie de l’évolution de l’histoire de Marx comme lutte de classe dans le cadre fondateur de l’exploitation de l’homme par l’homme. Or, à ce propos, le maître de Fribourg se demandait si avant même l’exploitation de l’homme par l’homme et l’apparition des classes sociales, le fondement même de l’histoire humaine initiale ne serait pas l’extermination de l’homme par l’homme, à laquelle nous pourrions ajouter l’extermination de toute vie sauvage par l’homme.[6] Les derniers résultats des recherches sur la préhistoire humaine viennent soutenir ce propos de Heidegger en ce qu’il y est montré que les premiers outils furent des armes. Si tel est le cas, il n’est guère étonnant que l’homme, en son essence nihiliste, annihile les espèces animales jusqu’à leur extinction complète. Voilà un travail qu’aucun autre animal n’a fait et ne fait, même les plus cruels parmi les félins comme les lions et les tigres. Tout ce que l’homme moderne a pu décrire comme cruauté animale n’est certes pas entièrement faux, mais ne se peut comparer à l’acharnement de la cruauté humaine. Une fois le chef évincé, voire tué par des lions concurrents, les vainqueurs gardent toutes les lionnes ; une fois tuée une gazelle le tigre s’en repaît sans exterminer toute la harde. L’homme extermine ses semblables et les animaux bien au-delà des besoins immédiat de se défendre et, rappelons cette réalité essentielle, ce n’est pas le raffinement culturel de telle ou telle civilisation qui tempéra ce fond des comportements humains. La Grèce athénienne avait l’habitude de raser les citées vaincues et de passer la plupart de leurs habitants au fil de l’épée quand ils n’étaient pas pris comme esclave, comme cela arriva à Platon ; et la Rome antique, républicaine et impériale, ne fut pas en reste ! Aussi peut-on voir au fil du développement des techniques et des forces productives humaines l’intensification des massacres guerriers et des ravages imposés à la nature. L’homme quant à lui, malgré les guerres et les épidémies parce qu’il possède une énorme capacité de survie en raison de son intelligence, d’une forte fécondité et de ses capacités médicales déjà présente dans la plus haute antiquité. Toutefois, force nous est de constater que plus la techno-science s’intensifie, plus la productivité s’installe comme finalité ultime de la vie sur terre (avec la conformation psycho-sociale qu’elle modèle), plus la nature est donc détruite, et ce quel que soit les régimes politico-économiques. Or rien ne semble présentement pouvoir arrêter cette machine infernale.

 

Dès lors que l’alternative communiste s’est achevée aussi dans l’idéel de l’hyperproduction et qu’aujourd’hui le profit maximum en un minimum de temps domine sans partage l’ensemble du monde, nous atteignons à la vérité ultime du capitalisme : réduire le monde à la somme des objets produits dans le monde. Ou si l’on préfère à la somme des marchandises, et donc à la somme du travail et, en conséquence, à la somme de la plus-value, en bref réduire le monde au Capital et à la circulation frénétique de l’argent : « L’argent danse pour vous » écrivait Marx dans le chapitre consacré au fétichisme de la marchandise.

 

En effet, dès lors que l’ensemble des rapports de production et d’échanges s’articule autour d’une seule et unique finalité économique, le profit maximum obtenu dans le minimum de temps investi, il semble évident que la multiplication à l’infinie des marchandises et des services divers privatisés engendre une croissance exponentielle de ces mêmes marchandises et des privatisations des services publics. Le système productif et commercial ne peut s’intensifier qu’en fonctionnant sur deux modes. Le premier consiste à multiplier à l’infini (ou à l’illusion de l’infini !) les marchandises réelles et potentielles, engendrant une appétence de l’innovation dans tous les domaines, y compris ceux qui touchent à l’essence biologique et moléculaire de la vie, et dont la publicité a pour mission d’en faire la propagande en insistant sur la nature innovatrice et salvatrice de l’objet. Le second mode vise à privatiser les besoins minimaux et vitaux nécessaires à la vie de l’homme moderne urbain et para-urbain, habitant au sein d’une société de masse où la division technique et sociale du travail est de plus en plus spécialisée.

Dans ce cadre général un analyste se doit d’établir une différence entre le capital de croissance sociale et le capital de croissance financière ou de spéculation. Le partage entre ces deux régimes de fonctionnement du capital est de fait déterminés par l’état des rapports de classe à l’échelle internationale. En effet, chaque fois que la conjoncture internationale menace le cœur du capitalisme impérial, c’est-à-dire pour l’essentiel anglo-saxon, celui-ci fait des concessions aux salariés, aux classes moyennes, à la petite paysannerie, aux artisans, mettant en avant le capital de croissance sociale, Welfare State. Inversement, dès lors que le capitalisme se perçoit libre de tous ses mouvements financiers et sans entrave aucune soit parce que les législations d’État ont laissé la porte ouverte à la perte de souveraineté, soit parce que le mouvement social est étouffé qui intensifie la paupérisation des ouvriers, des employés et des classes moyennes, le seul but financier domine l’ensemble du socius. C’est exactement cela qui advient en Occident depuis le milieux des années 1970 et en Europe-postcommuniste depuis l’implosion de l’URSS. Or cette radicalisation et cette extension du capital financier sont aussi concomitantes avec une désindustrialisation massive de l’Occident au profit de la main-d’œuvre très bon marché d’Asie et du tiers-monde tropical en général, et à une exploitation toute aussi massive de la main-d’œuvre appelée par l’émigration en Occident, laissant comme seule source de bénéfices à nombre de pays de l’Est le pillage du potentiel agricole, forestier et des matières premières. Exploitation frénétique qui, tant en Europe de l’Est que sous les Tropiques, mène à des surcroits de pollution ingérables et à la sixième extinction massive des espèces sauvages.

 

Après cette longue description des catastrophes écologiques qui sont maintenant notre lot quotidien, il convient, en bonne logique analytique, de revenir sur les limites, et, au-delà, sur les impostures de l’écologie politique des pays développés.

Ici et là on lit dans la presse dite main stream d’Occident qu’il nous faut réduire drastiquement la vitesse des automobiles, qu’il nous faut arrêter de faire rouler nos vieilles voitures, qu’il nous faut des éoliennes partout où le vent souffle, des plaques solaires pour couvrir les champs, les prés et les lacs ensoleillés, qu’il convient d’en finir avec le plastic, qu’il ne nous faut plus manger de la viande, etc. Une très jeune adolescente norvégienne ou suédoise largement subventionnée par des sources financières très obscures, devenue en quelques jours la grande prêtresse du réchauffement climatique, parlant à l’ONU devant l’ensemble des représentants mondiaux, hier devant les commissaires de l’UE à Bruxelles, demain invitée personnelle de la Chancelière allemande, Madame Merkel, lance des avertissements péremptoires aux grands de ce monde pris dans une sorte de délire hypnotique devant cette adolescente au visage sinistre ! Elle déclare la fin du monde imminente si l’on ne change pas de politique, c’est pourquoi il convient de réduire drastiquement la circulation automobile européenne et la pollution industrielle des pays émergents. Cependant, au-delà de ce catalogue avec lequel on ne peut qu’être d’accord, notre nouvelle prophétesse oubliait, comme par hasard, de rappeler que les plus grands pollueurs du monde demeurent encore aujourd’hui les pays occidentaux. Ainsi pour le plastique elle a omis Coca-Cola et Pepsi-Cola (cf., New-York Post du 18 novembre 2019) ; pour le transport elle a oublié les très grands cargos porte-containers dont les moteurs diesel de 40.000 chevaux-vapeur utilisent comme combustible un fuel lourd très riche en soufre et hyper-polluant ; elle néglige aussi l’élevage intensif et l’agriculture industrielle qui exigent outre d’énormes volumes d’eau,  des engrais et des désherbants chimiques hautement toxiques pour l’environnement et, last but not least, elle est frappée d’amnésie quant à la déforestation induite qui annihile les forêts primaires d’Afrique centrale, d’Indonésie et du Brésil au profit de l’huile de palme, du soja, du coton et autres plantes à usage industriel ! Certains s’émurent même qu’elle ne dénonça point les centrales à charbon chinoises. Voilà qui manifeste une écologie à intérêt variable comme la portance de certains avions à réaction.

Que peut-on tirer d’une telle description banalement objective. Dire que l’essence de la dynamique capitaliste s’articulant sur la plus-value maximale du capital investi transforme toute chose en marchandise et en son équivalent monnaie, voilà une évidence répétée depuis des lustres. Ainsi, toute chose matérielle, toute matière première, tout animal (y compris l’homme) ou végétal est une marchandise potentielle, voilà qui est aussi une banale vérité dont les exemples abondent. Cependant ce constat est très insuffisant ! Car les pays communistes, les pays du tiers monde d’inclination socialiste ont eux-aussi détruit l’environnement avec la même frénésie productiviste que les pays capitaliste, sans se soucier des ravages écologistes qu’ils causaient. Aussi force nous est-il de constater qu’il est quelque chose de commun à ces deux systèmes politico-économiques qui se tient dans l’exaltation déchaînée du progrès productiviste et, par voie de conséquence, dans la volonté de destruction de la nature.

Pour rendre compte de ce socle commun à ces deux systèmes politiques modernes il ne faut pas rester le nez collé sur un présent où nous les observons comme formes politico-économiques antithétiques et antagoniques, il nous faut remonter très loin dans le temps et faire appel à nouveau aux résultats les plus contemporains de la recherche en archéologie préhistorique.

 

Depuis longtemps nous savons que dans les temps préhistoriques du tertiaire des espèces animales comme les dinosaures ont été éliminées totalement par un phénomène naturel titanesque, la chute d’un gigantesque astéroïde sur la terre. En ces temps-là, il n’y avait pas la moindre présence humaine sur la terre, c’était le sort banal de l’évolution de la vie sur la planète marquée par de phénoménales éruptions volcaniques, comme plus tard les variations climatiques entre glaciations massives et réchauffements démesurés. Par ailleurs on a souvent montré qu’aucune espèce animale avait éliminé totalement une autre espèce d’animale, en bref, jamais les lions n’ont éliminé leur ennemi juré les hyènes ! En revanche très tôt, par la seule activité de ce prédateur intelligent, très curieux et habile, l’homme préhistorique a réussi l’extinction du cheval en Amérique du nord et longtemps avant son retour avec les conquérants européens, du kangourou géant en Australie, du paresseux géant en Amérique du Sud, du mammouth, du mastodonte, de l’ours des cavernes, du tigre aux dents de sabre en Eurasie. Ce travail s’est réalisé non seulement avec ses dents, ses bras et ses mains, mais, aussi primitifs furent-ils, avec des outils.

Voilà ! Le mot-concept est lancé : l’outil. Oui ! Qu’est-ce donc que l’outil dans sa définition empirique ? Un objet fabriqué, créé, qui « sert à faire un travail ».[7] Ainsi donc, avec des artefacts qui prolongeaient en intensifiant et diversifiant l’action de la main et du bras, l’homme pouvait réaliser des travaux qu’il était incapable d’accomplir auparavant. Après avoir mis le feux aux savanes et aux forêts pour capturer des animaux, encore fallait-il les découper, non seulement pour les consommer, mais pour en garder les morceaux en les fumant par exemple. Comme contre-argument de type anti-spéciste certains rétorqueront que certains animaux, singes et corbeaux par exemple utilisent aussi des éléments naturels, branches, tiges, pierres, comme outils pour se procurer de la nourriture, voir dans quelques très rares cas pour se défendre des prédateurs. Cependant, aucun ne fabrique des outils, c’est-à-dire qu’aucun ne transforme de la matière brut trouvée dans la nature en lui donnant une forme fonctionnelle, qu’on peut présupposer pensée comme telle comme le fit l’homo habilis. Or cette transformation de la matière brute en forme-outil plurifonctionnelle comme les premiers couteaux-grattoirs est à l’origine de cette opération théorico-pratique propre à l’homo. La taille de la pierre exige en effet un concept, sinon au moins une notion abstraite envisageant la potentialité fonctionnelle de l’objet obtenu en frappant avec une autre pierre, un bois de cerf ou une branche un nucléus de silex, d’obsidienne ou de basalte. Il faut que le sujet sache ou ait l’intuition que les éclats obtenus ainsi seront plus ou moins conformes aux usages préalables qu’il souhaite en faire.

Pendant plus de 2,5 millions d’années l’homo raffina les outils lithiques depuis le simple galet coupé en deux avec ses arrêtes tranchantes, les splendides feuilles solutréennes jusqu’aux splendides pierres polies que Cook et Bougainvilliers trouvèrent encore au XVIIIe siècle dans les îles polynésiennes et mélanésiennes. Les plus primitifs de ces premiers outils réussirent à assurer la survie de petits groupes de chasseurs-cueilleurs qui, échappant à des régimes uniquement ou presque nécrophages, pouvaient tuer de petits animaux, pêchaient ou ramassaient des coquillages. Ces outils permirent simultanément le dépeçage des grands animaux piégés dans des ravines, des entailles ou des abîmes, le découpage de la viande en morceaux aisément transportables assurant une certaine abondance de nourriture carnée à des chasseurs-cueilleurs sans cesse en déplacement. Si l’on ajoute à l’outil-pierre, l’outil-feu, on comprend que l’homo avait dès l’Ergaster acquis, à la différence des grands singes, la capacité d’une nourriture diversifiée parce que prédigérée par la cuisson des viandes, des poissons et des végétaux. Ainsi, comme l’affirment maints préhistoriens, l’augmentation du volume cérébral des homos successifs n’est pas étrangère aux effets alimentaires de ces techniques de maîtrise de la nature.

 

Je ne cherche point à refaire ici l’histoire de la préhistoire du genre homo dans la vastitude de ses temps obscurs et la plénitude de ses détails, je souhaite simplement insister sur le fait qu’il semble assuré par la présence des outils, y compris les plus rudimentaires, que le genre homo et lui seul – et non les pré-homo hominines, Australopithèques, Paranthropos –, manifesta la possibilité de la représentation conceptuelle. Depuis l’homo Habilis encore cueilleur-charognard et ses galets grossièrement taillés, ensuite et surtout depuis l’homo Ergaster et sa maîtrise du feu et ses bifaces acheuléens déjà très élaborés, puis la découverte en Afrique du Sud, à Stillbay, où des chercheurs ont montré que des homos utilisaient le feu 72.000 avant J.C non seulement pour cuire les viandes, mais pour fabriquer des outils. Il est aisé de constater que le genre homo a fait un saut qualitatif dans l’évolution des Hominines où, outre la bipédie et la descente du larynx dont on sait qu’elle permet la langue articulée (le λόγος), la maîtrise du feu et la fabrication des outils sont les actes majeurs ayant permis à ces homos jusqu’à l’homo Sapiens de dominer la nature, et par-là même de se différencier radicalement des animaux, même si l’ADN mitochondrial de l’homo Sapiens possède quelques pourcentages de gènes qu’il partage avec les grands singes ses plus lointains ancêtres. Il faudra attendre un peu plus tard dans le cours de la saga de l’évolution pour constater un autre saut qualitatif dans les rapports de l’homme préhistorique à la nature, un saut qui le détacha de la chasse-cueillette, celui de la domestication des animaux et des plantes : la création de l’agriculture. Ainsi, les instruments qui engendrèrent la naissance de l’agriculture ont été réunis qui, au bout du compte, doivent être regardés comme les éléments matériels préalables à la naissance des grandes formations sociales humaines et ce qu’elles engendrèrent, la Politique dans la forme État avec ses corps de lois, ses institutions déjà « modernes » oserait-on dire, et, last but not least, sa légitimation par la Morale, la célèbre Catharsis donnée dans le théâtre grec. Enfin, les derniers sauts techniques qui appartiennent déjà à notre longue époque de domestication moderne, d’abord celle de la vapeur, puis celle de l’électricité qui permettent, outre les transformations mécaniques que nous connaissions depuis la machine à vapeur, la révolution électronique et toutes ses applications pour la seconde, avec le rôle déterminant de l’ordinateur comme celui avec lequel j’écris cet essai.

 

Si l’on prend sur l’histoire de l’homme une perspective cavalière et rétro-centrée, on perçoit combien le monde présent est une vaste entreprise de destruction de la nature, faune et flore confondues. Sauf qu’à présent nous vivons dans le déni de la réalité des effets de nos pratiques quotidiennes les plus élémentaires : aujourd’hui, tout le monde ou presque chérit la nature dans son ensemble et, simultanément, tout le monde, à son échelle fût-elle infime, participe à sa destruction que ce soit avec un exemple rarement cité l’usage massif des cosmétiques, ou celui d’instruments électronique nécessitant l’emploi de terres rares dans leur procès de fabrication.  Prenons l’exemple probant de la situation zoologique présente :

34% d’êtres humains ;

60% d’animaux domestiques dont la majorité sert de nourriture aux hommes et minoritairement au travail agraire ;

6% d’animaux sauvages.

 

C’est au vue de ce constat que l’on peut interpréter la nature propre de l’homme indépendamment des régimes politiques, et plus encore, indépendamment des époques et des types de socialisation déjà antérieurs aux proto-États du néolithique tardif et de l’âge du cuivre jusqu’à notre présent. C’est en raison de ces résultats que l’on peut affirmer que la nature humaine n’est pas une simple variation plus élaborée de la vie animale, car, malgré certaines proximités, en son essence conceptuelle (langage-feu-outil) cette nature de l’homme diffère du tout au tout. Il semble, comme je l’ai brièvement noté ci-avant, que ce soit la fabrication d’outils aussi rudimentaires fussent-ils, qui signe l’essence de l’homme comme homme humain. Aussi, bien avant le ζώον πολιτικών d’Aristote, l’homme est homme que parce qu’il est au premier chef et de façon conjointe un ζώον τεχνικός[8] et τὸ λογιχὸν ζώον.[9] En effet, pour agir ainsi il lui faut impérativement posséder une langue naturelle porteuse de concepts, c’est-à-dire capable de penser et l’artefact en sa forme avant qu’il ne sorte de la main humaine et l’infinité des possibles potentiels avec l’amélioration constante des réalisations à laquelle  le pousse la curiosité de son intelligence. Aussi, la nature de l’homme en tant qu’il est homme et non super-grand-singe, est-ce la liaison consubstantielle entre une langue-conceptuelle, les moyens techniques de fabriquer un objet et de modeler par le feu-outil les paysages. Ce tout qui fait l’homo (homme-homme) peut être rassemblé sous le concept de Technique, à la fois inaugurale et permanente comme démarche humaine visant, sans l’énoncer comme tel, la mise ensemble de diverses choses disparates, rassemblées selon une programmatique ou un « dispositif » (Gestell). La Technique dont nous a entretenu Heidegger dans une perspective plus moderne, puisqu’il en saisissait l’origine dans la fondation métaphysique platono-aristotélicienne, s’articulerait dès lors autour de trois facteurs dont seul l’homme fut le détenteur unique : une langue articulée conceptualisante, permettant l’imagination dument conscientisée d’un créer-produire pour réaliser des instruments aux finalités diverses et la maîtrise du feu qui engendrerait un jour la métallurgie. Ainsi l’homme ne serait pas en son essence le cogito cartésien dans le splendide isolement de la noèse de son ego devenu transcendantal chez Kant, mais un « je suis » parce que je fais des objets en pensant. C’est pourquoi les cartésiens et leurs descendants pouvaient regarder l’animal comme une simple mécanique, l’animal-machine ; tandis qu’au-delà des métaphores zoologiques, certains médiévaux, certains classiques, certains romantiques et certains modernes se servaient de l’animal, de sa représentation traditionnelle et de ses comportements pour, de fait, présenter le monde animal comme miroir des hommes. Ainsi, parmi les plus célèbres, on citera Le Roman de renard, La Fontaine et ses fables, Baudelaire et l’albatros, Orwell et Animal Farm, Ionesco et son rhinocéros, Aristote et son analytique animalière.[10] Toutefois, c’est à Heidegger auquel revient, me semble-t-il, d’avoir véritablement remis l’animal dans un champ de l’être-là qui lui est propre lorsqu’il affirme dans Les Concepts fondamentaux de la métaphysique : « l’animal est pauvre en Être ». Phrase énigmatique s’il en est. S’il avait formulé un jugement tel que l’animal n’a pas d’Être, nous eussions compris ou l’animal ne pense pas, c’est-à-dire qu’il n’a pas d’autoréflexion et, de ce fait, il n’a ni sens de l’autre, de l’histoire ni de la morale, c’est-à-dire du passé, ni du futur, de la faute à expier, ni de sa possible mort. L’animal vit donc au jour le jour, que dis-je dans l’instant, dût-il pour les plus intelligents parmi les domestiqués avoir le sens d’une faute immédiate, ou la mémoire de comportements appris pour ceux dressés, ou la mémoire instinctive des routes de migration. L’animal vit dans la concrétude immédiate, c’est-à-dire au présent. L’animal est simplement.[11] « Pauvre en être », mais néanmoins « en être » en ce que les plus développés ont le sens de la fidélité au maître, de l’affection pour un compagnon ou une compagne, voire parfois, devant la mort d’un semblable, la manifestation d’un certain comportement de deuil (cf., les éléphants). Mais l’homo lui est totalement mobilisé par la synergie du « penser-faire-penser », laquelle engendre le monde, le seul monde, le monde humain réel, (Das Dasein), celui de la subjectivité et de la socialisation, plus tard de la morale et de la politique dans une dialectique du concret-abstrait-concret permanent. 

 

Ce très bref résumé pourrait donner à croire aux lecteurs que je conçois l’histoire comme Kant, Hegel ou Marx (et d’autres moins magistraux de la même eau). L’Histoire comme une saga univoque fût-elle dialectique, d’une série ininterrompue de causes et d’effets s’enchaînant sans de véritables hasards, sans accidents de parcours, sans disruptions venues d’événements aléatoires, imprévisibles, d’accidents géologiques, climatiques, biologiques ou sociaux. Il n’en est rien, même si la Technique donna à l’homme, être fragile en raison de sa néoténie, des capacités d’adaptation inégalées dans le règne animal, les hommes sont partout sur la Planète, les lions et les orang-outang non. De fait, même si je donne à la Technique telle que je l’ai envisagée le rôle inaugural de l’humanité propre à l’homo, néanmoins je ne vois pas l’histoire comme un simple cheminement tracé par le déploiement linéaire de la Technique. En effet, il semble bien trop hasardeux d’affirmer que tout le devenir était déjà prévisible dès le début de la présence humaine, même si notre avenir est dans le passé. Cependant un événement, et ce malgré de nombreux aléas, entraîna le destin humain vers cette voie univoque en dépit de figures politiques et culturelles multiples, un événement qui arriva très longtemps après les temps inauguraux des galets brisés, lors d’un moment où un état civilisationnel singulier et a priori non prévisible dès avant, donna et la direction et les moyens d’une dynamique prométhéenne radicale de la lutte contre la nature.

 

Le capitalisme n’était pas a priori prévu dans le dispositif initial

 

Dans un célèbre petit ouvrage commandé par l’UNESCO intitulé Race et histoire et conçu comme une critique simultanée du racisme, de l’évolutionnisme, du fonctionnalisme et du diffusionnisme, Lévi-Strauss proposa une interprétation synthétique de l’histoire humaine selon le modèle structuraliste. Il avançait que tout le développement des civilisations humaines doit être interprété selon le modèle du jeu de dés. On les lance une fois, il sort en une combinaison qui ne réussit pas, on les lance une deuxième fois, une autre combinaison en sort qui ne marche pas mieux, etc… jusqu’à ce qu’il y en ait une gagnante permettant de construire une civilisation dans la durée. Et ce ad vitam aeternam… Il semble en effet que l’évolution des sociétés humaines par expérimentations et erreurs ait fonctionné ainsi, dussent-elles, pour certaines, ne s’être que partiellement développées. Nous en avons les preuves au travers des diverses très grandes civilisations qui se sont effondrées, tandis que d’autres issues de presque rien s’élevaient peu à peu pour briller dans le monde. Cela veut dire simplement que la civilisation de l’Europe occidentale chrétienne relativement récente n’a pas été toujours, loin s’en faut toujours la plus puissance. A priori, le Haut Moyen-Âge européen n’avait pas de traits où nous eussions pu deviner la prédestination de cette puissance contemporaine. Grâce aux travaux de Joseph Needham[12] nous savons précisément que jusqu’à la fin du Moyen-Âge de l’Occident européen la Chine était bien plus développée que les pays européens les plus riches. Si l’on recule dans le temps, on doit souligner que les grandes civilisation méso-américaines n’avaient rien à envier à la Grèce ou au Moyen-Orient antique.[13] Tous ces faits semblent a priori donner raison à l’interprétation structuraliste lévistraussienne. Toutefois, il y a eu un moment où les dés présentèrent une combinaison singulière dont l’effet dynamique semblait impérieux et irrépressible. Un premier jet singulier eu lieu au moment de l’antiquité grecque (l’envoi grec selon Jean Beaufret), lorsque s’enclencha un mode singulier de penser le monde, l’homme et la société : la philosophie, dont la prétention, à la différence des mythologies et des théogonies diverses et productrices parfois de grandes littératures, visait explicitement à l’universalisme à travers la rationalité de la logique argumentaire. Platon et Aristote affirmaient ne pas dire le vrai pour les seuls Grecs, ils le disaient aussi pour tout peuple qui eût appris le grec sans pour autant perdre son ethnicité. Cette position hellène de l’universalité offrit à la théologie chrétienne dans le verbe de Paul les armes spirituelles de l’universalité du christianisme qui sortait du tribalisme juif. La foi en le Christ était offerte à tous les peuples (circoncis et non-circoncis, cf., Paul[14]) sans distinction pourvu qu’ils s’ouvrent tous à l’amour du Christ et donc au Salut par le Rédempteur. Le christianisme proposait une universalité qui, si elle se confondit dans un premier temps avec l’empire romain d’Orient et d’Occident, valait pour le monde entier, d’où le déploiement d’un prosélytisme agressif. Une nouvelle spiritualité avait vu le jour en un coin du Proche-Orient qui s’affirmait universelle. Voilà qui donnait aux sociétés européennes qui, après moult guerres, avaient embrassé cette foi, une Weltanschuung universelle et une puissance prosélyte inégalée, essentiellement dans l’Occident européen. L’Europe se consacra, y compris par la force, à cette foi universelle en l’adornant peu à peu des armes d’une métaphysique de la logique des propositions (scholastique médiévale) et de la vérité de l’idée qui ne souffrait point de contradictions de principes (contre les Averroïstes et autres hérésiarques, Bogomiles, Vaudois, etc). C’est pourquoi les combats contre les hérésies y furent si violents et si mortifères. En effet, la contestation pouvait à la rigueur porter sur de légères variations de la même doxa, mais jamais, Ô grand jamais, sur l’axiomatique principielle de la doxa. Or cette foi visant l’angoissante quête du Salut et du temps de l’Apocalypse, était hantée par la fin des temps, puisqu’à la fin des temps s’ouvrait l’avènement de la Parousie.

Cette foi, devenue grâce à la philosophie gréco-latine, une théologie philosophique de la vérité universelle offerte par les pères de l’Église et plus tard les théologiens médiévaux, se présentait fort différemment des autres croyances du monde, sauf, pour partie, des éléments du transcendantalisme indouiste. Cependant, au temps des cathédrales, des écoles de Bologne, Chartres, Paris et Oxford, l’Europe occidentale du haut Moyen-Âge jusqu’au XVe siècle était surpassée et de loin par le développement technique des grands États orientaux, la Chine, l’Inde, le Vietnam, certaines royautés du Sahel ou des côtes africaines, des hautes civilisations de Méso-Amérique et d’Amérique du Sud. Comme partout où de grandes entités étatiques organisaient et commandaient aux hommes l’agriculture et l’élevage croissaient avec l’augmentation démographique et, en conséquence, simultanément augmentait la disparition des forêts primaires sauf chez les divers chasseurs-cueilleurs tropicaux ou, chez ceux vivant aux marges des sociétés étatiques, qui continuaient à pratiquer une agriculture itinérante sur brûlis. 

 

Naissance du capitalisme et les ravages écologiques

 

Tout au long de l’antiquité classique, puis au Moyen-Âge, des événements qui avait eu lieu depuis la très haute préhistoire se répétèrent, des espèces d’animaux sauvages disparaissaient avec le développement d’espaces de plus en plus cultivés, de plus en plus habités et urbanisés[15], avec les techniques d’élevage les plus avancées, avec pour résultat, l’augmentation concomitante des espèces domestiques. Déjà dans l’antiquité platonicienne plus de lions en Grèce, en Anatolie, en Syrie, en Irak et en Palestine, disparition d’espèces de gazelles au Moyen-Orient. Cependant cela restait limité, et souvent, du fait d’épidémies ravageant les communautés humaines, certaines régions devenues démographiquement ruinées retrouvaient un temps leur sauvagine.

 

Mais revenons à présent à notre jeu de dés structuraliste. Il eut donc quelque chose qui fut jeté au début du Moyen-Âge et qui se répandit lentement dans une Europe rurale et féodale soumise à la peur générale de rater le Salut, de voir son âme soumise aux turpitudes de l’enfer. Jacques Le Goff dans son petit livre sur Marchands et banquiers au Moyen-Âge, rappelle que dans un testament du IXe siècle, un commerçant vénitien partant en Orient pour ses affaires laisse comme consigne à sa femme : « Lacia cara il denaro lavorare ». Que veut dire faire travailler l’argent ? C’est ce qu’on appelle la rente. C’est en fonction d’un taux d’intérêt fixe ou variable laisser travailler le temps sur le capital afin de créer un bénéfice. A vrai dire le capital ne travaille pas, c’est le temps qui travaille. Or pour que le temps travaille en accumulant le revenu de l’intérêt, il faut un comput linéaire et cumulatif du temps, un temps eschatologique des fins dernières. Cela ne se peut faire dans le cadre des computs traditionnels articulés sur la base d’un temps cyclique, « L’éternel retour du même ». Justement le travail du temps sur le capital n’est jamais le retour du même, ou si l’on préfère, c’est le même plus quelque chose, l’intérêt, et donc ce n’est pas le même, ou plutôt c’est le même-plus. Il faut donc que la société se pense comme mue par une véritable eschatologie temporelle, sans la Parousie de l’Apocalypse, en bref il faut que hier ne soit pas aujourd’hui et qu’aujourd’hui ne soit jamais demain (en termes modernes on nomme cela le progrès) ! Tomorrow is not an other day because Time is money ! En effet pour les sociétés archaïques qui vivent dans le présent, le lendemain n’est que la réédition d’hier, ce que confirme en permanence les rites de passages et les discours mythiques des origines. Cum grano salis on pourrait dire que dans les sociétés traditionnelles il n’y a de futur que le futur antérieur. Or ce n’est pas l’effet d’un hasard si nombre de sociétés archaïques n’ont pas de temps verbal pour signifier le futur. Par une sorte de paradoxe ironique de l’histoire, ce quelque chose d’inédit, le prêt à intérêt fondé sur le passage d’unités temporelles indifférenciées et simplement cumulées – le temps mathématique[16] – qui émerge au début du Moyen-Âge européen, fut rendu possible grâce aux calculs de savants moines qui de l’Italie à l’Angleterre, à la France et l’Allemagne recherchaient la date précise de l’Apocalypse.

 

Cette nouvelle configuration du rapport de l’homme au temps fournit donc le soubassement de cette nouvelle économie dont le moteur primordial n’était plus le travail productif libre ou servile nécessaire pour simplement survivre, mais le capital investi dans telle ou telle production ou échange commercial. La quantité d’argent augmentant avec le temps, cela décuplait, centuplait son pouvoir ! Dès lors que tout l’agir créateur humain pouvait devenir producteur de bénéfices financiers la guerre devenait logiquement une action engendrant du profit financier et non plus seulement de la gloire et de la puissance politique… Les seigneurs pouvaient emprunter et gager le retour du capital et de l’intérêt sur les productions de leurs terres ou hypothéquer celles-ci avec leurs châteaux, permettant à terme la formation d’une noblesse directement venue de la banque et du commerce par l’achat des offices[17], la noblesse de robe. Le temps devenant ainsi l’équivalent de l’argent (time is money), laisser travailler l’argent revenait à prévoir des bénéfices sur l’avenir, et donc à augmenter la convoitise prévisionnelle en construisant ad infinitum une objectivation ouvrant toujours plus de possibilités d’investissements, sources de gains nouveaux. En bref, le capitalisme en son essence mathématique et sa praxiscomptable[18] étaient nés et plus rien, ni un quelconque impératif éthique ou religieux, ne l’arrêterait.

Or ce mode du produire et du reproduire ne correspondait plus à une quelconque couleur culturelle à ajouter à l’ensemble de la palette des cultures connues et/ou possibles. Il était là une forme économique inédite, impérativement conquérante, impériale, c’est-à-dire universelle, qui ne se pouvait déployer qu’en supprimant toutes les autres cultures archaïques, traditionnelles et les valeurs sociales qui gênaient son éploiement.[19] C’est pourquoi on se doit de constater que l’impérialisme n’est pas une qualité surajoutée au capitalisme à un moment donné de son développement, mais bien un attribut intrinsèque de sa mise au travail, un attribut propre à son essence et qui conditionne son amplification algébrique au fur et à mesure de son développement.

Ce trait original du faire capitaliste organisa l’activité humaine dans l’esprit d’un produire toujours plus. En dépit des poussées d’acné socio-économique de la décroissance chez certains rêveurs socio-démocrates, cette dynamique ressemble à une vis-sans-fin montant l’eau d’un bassin d’accumulation vers les rigoles d’irrigation, qui se seraient multipliées par l’ensemble des activités rendues possibles grâce à aux productions qu’elles permettent. C’est ce qu’effectue l’objectivation comptable de tout objet exploitable à des fins productives, serait-ce l’écologie tant vantée, mais qui en l’état n’est que du capitalisme vert. Tant que la vis tourne sur elle-même l’eau afflue et irrigue la terre. Le capital est semblable à l’eau du bassin et son illimitation est assuré par la source objective qui l’alimente. Puis filant la métaphore on comprend que l’illimitation du capital comme possible en perpétuelle expansion est l’agir de la synergie du complexe techno-science-capital générateur de toutes les productions et de toutes les marchandises en devenir : en bref la source de l’infinité. Et je ne crois point qu’un quelconque effet de rhétorique faisait écrire à Aristote dans un passage Des politiques (ἐν τοῖς πολιτικοῖς) : « il ne faut pas que l’infini commande », précisant un peu plus avant dans le même ouvrage, que ne peuvent être citoyens, c’est-à-dire prendre en charge la politique de la πόλις, les commerçants, les financiers, les marchands, en bref tous les hommes dont le travail s’effectue à l’horizon de l’infinité, de l’illimité, de l’indéterminé. Cet horizon n’est autre que l’ἄπειρον tel qu’il était compris par Aristote dans Le traité de la production et de la destruction des choses où « on ne peut aller à l’infini dans aucun des deux sens » ; ce qui me semble tout-à-fait correspondre à une critique anté-factum de l’objectivité du produire et du détruire qui est comme nous le savons le fondement même de la dynamique du techno-capital.

En effet, même confronté à la plus extrême des économies financiarisées et spéculatives, la présence de la production matérielle est impérativement nécessaire, que ce soit celle des matières premières, des objets ou des services, payables en liquide ou mieux à crédit. Ainsi il est dans l’essence même du travail du techno-capital de détruire les matières premières, jadis et aujourd’hui les forêts, après le charbon, puis le pétrole et l’uranium, de ruiner les équilibres naturels par l’industrialisation massive de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la pisciculture qui a leur tour saccagent à nouveau forêts et prairies naturelles, empoisonnent eaux douces et océans, et, last but not least, entraînent l’extinction irrémédiable des espèces sauvages. Quant à la mode Vegan si elle vise à réduire les élevages industriels, point positif, en revanche elle ne dit jamais rien d’essentiel du développement hyper-capitaliste de l’agriculture bio, car, qu’elle soit écolo-bio ou à base d’engrais celle-ci doit nourrir plus de huit milliards d’êtres humains en permanente croissance ! De plus le bio ne freine pas le nombre croissant de plantes sauvages qui sont menacées de disparition… 

Nous sommes à présent devant une évidence relevée quotidiennement y compris par la presse la plus soumise aux pouvoirs économiques : la ruine de la planète, la disparition de dizaines d’espèces d’animaux sauvages, certains disent la sixième plus grande extinction de l’histoire de la Terre, d’une masse de plantes sauvages, la pollution totale des eaux par les engrais et les déchets plastiques ! C’est pourquoi, dès la fin des années 1960 du siècle dernier, discernant là une occasion de renouveler la production de nouvelles marchandises, de grandes firmes internationales, soutenues par des fonds d’investissement puissants, alliés à des savants universitaires se sont mise soudainement à parler d’écologie, de production Bio, de réchauffement climatique, tandis que des mouvements militants s’étaient créé[20], devenus rapidement très actifs sur les réseaux sociaux et dans la pratique militante, tout en manifestant simultanément une très grande ignorance des implications sociales et matérielles dues à l’explosion démographique des pays du Tiers-Monde. Ces mouvements, volontairement ou non, étaient et sont toujours aveugles devant les impératifs de plus-values économiques inscrites au cœur de toute dynamique capitaliste, ce qui, au bout du compte rend leur lutte souvent insignifiante ou biaisée, bloquée par une insoluble quadrature du cercle. Lorsque, à l’encontre des humanistes de pacotille ou des théoriciens politiques de la fin de l’histoire, le milliardaire étasunien Warren Buffet déclarait voici une quinzaine d’années que : « la lutte de classe existe véritablement, et nous l’avons gagnée », il signalait que le capitalisme avait acquis la maîtrise totale du jeu économique mondial et qu’il continuerait à se battre bec et ongles pour conserver sa victoire, rien qui ne présageait l’avènement de la Parousie tant vantée par Fukuyama au moment de l’implosion de l’URSS. Toutefois, pour un observateur avisé et lucide cette permanence de la lutte de classe, dût-elle s’éployer à l’échelle planétaire comme l’économie, paraissait relever d’une banalité ; en revanche ce que dissimulait la formule c’était le devenir sans cesse renouvelé des objets de la convoitise et du profit grâce à la permanente dynamique de l’innovation inscrite dans l’essence même du devenir de la techno-science : en termes aristotéliciens on dirait son entéléchie. C’est cette mise en perspective perpétuelle d’un nouveau déjà donné comme possibilité qui, dès lors que le présent de la domination technique est rétro-projeté vers l’origine de l’humanité de l’homme, nous renvoie sans cesse à la techno-science comme das Dasein ou, dit autrement, comme l’être-là inaugural de l’homme dans le monde. C’est ainsi que le programme inaugural technique a trouvé dans l’« accident » historique de la forme socio-économique capitaliste (le coup de dés lévistraussien) une force sans précédent qui décupla ses possibles en attente et bloqua d’autres possibilités pour finir par interdire d’autres voies. C’est pourquoi à l’échelle historique la techno-science sous quelque forme politique que ce soit est, à moins d’une catastrophe géologique planétaire ou d’une vitrification nucléaire, l’horizon indépassable du devenir humain. Aussi à l’échelle préhistorique de son émergence l’être-là de l’homme-homme pourrait-il se subsumer en : être-pour-la-technique. Or qui dit technique et plus tard techno-science, ne dit autre chose que puissance, si bien que ce que j’avais analysé naguère dans un essai intitulé, l’homme en tant qu’être-pour-la-guerre (Sein zum Kriege), conçu comme le complément critique du concept heideggérien de l’homme comme être-pour-la-mort (Sein zum Tode) pourrait se révéler la seule Ἀνάγκη humaine, la destinée de l’homme entendue comme nécessité inaltérable, comme l’instance inflexible « qui gouverne le Cosmos ». Le concept heideggérien devrait donc être complété par une formule certes un peu lourde telle que : l’homme-homme en tant qu’être-pour-la-technique-et-la guerre. En son fond, et par-delà toutes les élaborations propres à la vie sociale, morale, politique, à l’organisation familiale, clanique, aux lignées, aux relations de parenté, de castes, de classe, l’homme serait peut-être, en son fonds, l’ouvrier obsessionnel du nihilisme qu’il a contribué à inventer et mettre en œuvre, en bref, l’« ange exterminateur » de son propre devenir.

Claude Karnoouh

Bucarest-Les Cévennes-Paris, juin-septembre 2020.

 

 



[1] « Repu, le lion est inoffensif. »

[2] Les indigènes des îles Andaman ne survivent comme peuple primitif que parce que le gouvernement indien a instauré un cordon sanitaire qui interdit toute installation touristique et toute visite ne serait-ce que d’une journée.

[3] La glandée est une pratique rurale très antique. Lors de la chute des fruits du chênes, les paysans conduisaient leurs porcs dans les forêts de chênes pour qu’ils s’en repussent et ainsi s’engraissassent avant l’hiver. Mais on comprend comment années après années cette collecte systématique des fruits du chêne ne permit plus le renouvellement de la forêt par ailleurs défrichée pour en augmenter les surface cultivées, pour le bois de construction, de chauffage et le charbon de bois nécessaire à la métallurgie du fer.

[4] Pline l’Ancien, « Gallia comata »Histoire naturelleIV, 105. Gaule chevelue.

 

[5] Richard Lewinsohn, Histoire des animaux, leur influence sur la civilisation humaine, Plon, 1957.

[6] Claude Karnoouh, « O perspectivă filosofică asupra războiului sau omul, Fiinţă-pentru-război (Sein-zum-Kriege) », în Timpul, Iasi, mars-avril-mai, 2019. 

[7] Sous la forme « uztils » en vieux français du XIIe siècle chez Guernes de Pont Saint Maxence, Dictionnaire étymologique du français, CNRS, Centre de Ressources textuelles et lexicales, édit électronique. Du bas latin Utilium

[8] Un être technique.

[9] Un être pensant.

[10] La fable animalière anthropocentrique est l’une des plus antiques formes de la narrativité moraliste, apologue, où les animaux servent d’exemples aux comportements humains. On en trouve la trace dès Sumer, en Égypte vers -1120. On en connaît aussi des traces à travers la culture orale de peuples n’ayant pas d’écriture. C’est Ésope qui a fourni aux diverses cultures européennes le modèle des fables animalières, quoique la première trace écrite connue d’une fable grecque se trouve chez Hésiode dans « Les Travaux et les jours », l’histoire du rossignol et de l’épervier ». Cf., l’article de Wikipédia très complet sur la fable. Pour ce qui concerne une analytique philosophique complète des animaux, on relira avec profit Aristote, Histoire des animaux, livre I, 1, 488 b 11-25 ; pour une vision étendue à l’antiquité on se réfèrera au petit ouvrage roboratif de Thierry Gontier, L’homme et l’Animal, la philosophie antique, PUF, Paris, 1999 et, last but nost least, la somme remarquable d’Élisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes : la philosophie à l'épreuve de l'animalité, Fayard, Paris, 1998.

[11] Cf., Henri Birault, Heidegger et l’expérience de la pensée, Gallimard, Paris, 1978. « Seul est le moment présent comme « unité concrète » de ces « deux moments abstraits » que sont le passé et le futur.

[12] Joseph Needham (with the collaboration of Wang Lin), Science and Civilization in China, 2 vols, Cambridge, 1954-1959.

[13] Il suffit de lire les mémoires de Cortés pour voir l’étonnement des Espagnol devant la munificence de Mexico- Tenochtitlan 

[14] Paul, Romains 3-4, 29-30.

[15] Andrée Corvol, Histoire de la chasse. L’homme et la bête, Perrin, Paris, 2010. Cf., chap. 6, « L’organisation de la lutte.

[16] On se souvient que l’opposition de Saint Thomas d’Aquin au prêt à intérêt était basée justement sur l’uniformisation du temps entre temps sacré et temps profane, temps de qualité différente… Il ne peut y avoir de prêt à intérêt parce que l’intérêt travaille sans cesse, y compris les jours consacrés aux louanges christiques, les dimanches et les jours de fêtes.

13 R. Mousnier, La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Presses Universitaires de France, 1971.

[18] Il est piquant de noter que la comptabilité moderne, la comptabilité analytique est aussi née à Venise.

[19] Jamais l’église catholique ne réussit à supprimer le prêt à intérêt, ne le pratiquant point directement, elle vendit le Salut (les Indulgences) pour assumer ses dépenses architecturales somptuaires !

[20] Dès les années 1930, le thème écologique avait déjà été abordé, mais il est vrai sous le régime nazi par le ministre de l’agriculture Walter Darré, lequel avait été vite marginalisé en raison des besoins techniques et agricoles du régime.

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